Autoroutes

1968 Invasion / évasion

"En 1968, le réseau autoroutier français atteint 963 kilomètres et l’Etat, encore seul maître d’ouvrage, prévoit le doublement de ce score d’ici à 1975.

Cet accroissement s’est opéré de manière presque exclusive par des voies convergeant vers Paris, l’autoroute du Nord et de celle dite du soleil, du nom de l’astre que les vacanciers parisiens associent communément à la côte méditerranéenne."

Encombrement sur voie sur berges
Des voies sur berges pour éviter les bouchons et circuler plus vite ... comme on peut déjà le constater sur cette photo de l'époque ...

" ...l’on ne s’en tient pas à mailler le territoire de voies rapides en évitant la circulation de transit dans les zones urbaines.

Tout au contraire, sous l’impulsion du Premier Ministre, Georges Pompidou, les villes et tout particulièrement la capitale ne sont pas épargnées par les « voies express » de tous ordres.

Ainsi, à côté d’un périphérique doublant à l’extérieur les boulevards des Maréchaux, périphérique dont la vocation unique aurait dû être de réduire les entrées dans Paris, on facilite la circulation intra-muros en transformant les berges de la Seine (d’une « esthétique désuète » aurait décrété le Premier Ministre) en circuit automobile."

Le plan autoroutier pour Paris
Le plan autoroutier pour Paris

"Mais le plus extravagant demeurait ce « plan autoroutier pour Paris » prévoyant de quadriller la capitale de voies rapides, certaines dans le prolongement direct des autoroutes nationales.

Georges Pompidou, devenu Président de la République, synthétiserait bientôt sa position d’une formule très explicite : « il faut adapter la ville à l’automobile ».

En application de ce précepte prétendument visionnaire, le « plan autoroutier pour Paris » prévoyait ainsi par exemple de créer la radiale Vercingétorix, voie rapide prolongeant l’autoroute A10 de la Porte de Vanves à Montparnasse en longeant les voies de chemin de fer.

Des expropriations furent conduites avant que, sous la Présidence de son successeur, des squares ne soient créés à l’emplacement des habitations sacrifiées sur l’autel d’une supposée modernité."

 

"Si l’automobile est une source d’invasion de nos villes, elle constitue aussi un moyen d’évasion de ces villes, évasion sans doute ressentie comme d’autant plus nécessaire par l’omniprésence de l’automobile qui envahit aussi les trottoirs.

 

Ainsi, en ce week-end de Pentecôte, à l’issue du mois de mai que l’on sait, les pompes à essence étant réapprovisionnées, on peut voir au journal télévisé des kyrielles de voitures empruntant les autoroutes de l’ouest et du soleil. Le commentateur croit y discerner un moyen de « dissiper l’inquiétude et l’angoisse des derniers événements » et l’opportunité de « passer un week-end aussi proche de la normale que possible »."

Coupure grise dans la forêt de Saint Germain
Coupure grise dans la forêt de Saint Germain

 

"Après 1968, le réseau autoroutier continue à se développer. Dès 2003, long de plus de 11000 kilomètres, il atteint un niveau comparable à ceux de l’Allemagne et de l’Italie.

 

En 2007, le « Grenelle de l’environnement » est supposé porter un coup d’arrêt à ce maillage croissant du territoire, maillage qui ne s’opère pas toujours sans un impact négatif sur le respect de la nature et sur la qualité de vie des riverains."

"Au journal télévisé de TF1, la journaliste parle sans ambiguïté dans un reportage de seulement vingt-cinq secondes d’« arrêt des projets autoroutiers » et de « gel des constructions d’autoroutes ».

A y regarder de plus près, le texte issu du « Grenelle de l’environnement » identifie cependant la possibilité d’opportunes dérogations : « seuls les projets atteignant un haut niveau d’exigence environnementale et répondant à une nécessité de sécurité ou d’utilité collective seront retenus »."

"Comme il est fort peu probable que des investisseurs privés ne s’engagent dans la réalisation dispendieuse d’autoroutes dont les péages seraient désertés du fait de leur « inutilité collective ». Comme, par ailleurs, toutes les statistiques démontrent la moindre dangerosité des autoroutes et qu’elles répondent donc sans coup férir à une « nécessité de sécurité », il ne reste plus qu’à satisfaire à l’exigence d’un « haut niveau d’exigence environnementale » pour poursuivre l’expansion du réseau."

...

"Les 19 réalisations autoroutières de plus ou moins grande envergure planifiées d’ici à 2020 (source : wikipedia août 2011) répondront sans nul doute à cette exigence de « haute qualité environnementale »...

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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