Aéronautique

1955 Envolées lyriques

Aéroport Paris Orly en 1952
L'aéroport Paris-Orly en 1952

"Parisien, l’aéroport d’Orly est le lieu privilégié de mon spectacle aérien. Quand je découvre Orly la première fois à l’occasion d’une visite d’enfants en groupe vers 1954, l’aéroport d’Orly a déjà supplanté celui du Bourget, inauguré juste avant le conflit mondial. La compagnie nationale Air France y a transféré tous ses vols.

Il n’est ici question ni d’Orly-sud ni d’Orly-ouest mais d’une modeste installation qui longe la route nationale 7."

L'aéroport Cherbourg-Maupertus en 2012
L'aéroport Cherbourg-Maupertus en 2012

"Se rendre aujourd’hui dans un petit aéroport provincial comme celui de Cherbourg-Maupertus permet d’imaginer à quoi ressemble alors le premier aéroport français : une aérogare de la taille d’une grande boutique, quelques hangars, un radar tout nouveau qui a été montré aux actualités cinématographiques, une tour de contrôle et quelques avions disséminés sur des pistes que n’encombrent pas les voyageurs."

 

 

"Lors de cette première visite, selon les estimations consultées pour composer cette chronique, le trafic mondial se situe dans un ratio de l’ordre de un à cent par rapport à ce qu’il est devenu une soixantaine d’années plus tard …Et le transport aérien reste un luxe : à la fin des années cinquante, 1% de la population américaine la plus riche occupe encore 27% des vols."

Nombreux sont les reportages pour la télévision comme pour les actualités cinématographiques des entractes ...

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"...avec la 4CV parentale, la construction du nouvel aéroport devient une destination dominicale fréquente. Se dresse bientôt une aérogare sans proportion avec sa devancière : 700 mètres d’un bâtiment se présentant comme une muraille de verre avec des terrasses d’où l’on pourra surplomber les pistes. A vrai dire, je suis encore plus impressionné par le fait que la nationale 7, quelque peu détournée, passe dorénavant sous les pistes qu’empruntent des avions de plus en plus imposants."

"Viendra enfin le temps où l’on pourra pénétrer dans ce temple de l’aviation, en 1960, côtoyer les heureux voyageurs et admirer la noria aérienne depuis les terrasses aux senteurs exotiques de kérosène."

Orly aérogare à partir de 1960 ("orly-sud"
Orly aérogare à partir de 1960 (qui deviendra orly-sud après la création de l'extension ouest)

"Cet engouement n’est pas propre à ma famille qui, du reste, se satisfait pleinement de pérégrinations limitées à la Basse Normandie de ses origines. Il constitue pour quelques années un phénomène de société : une gare ou l’on ne vient ni pour voyager ni pour accompagner des voyageurs."

Château de Versailles destination touristique devancée par Orly aérogare
Château de Versailles, destination touristique devancée par Orly aérogare dans les années 60

"Avec ses commerces, ses deux cinémas, sa messe de minuit entre autres festivités, Orly devient le lieu le plus visité de France, avant même le château de Versailles avec, au point culminant en 1965, quatre millions de visiteurs n’ayant d’autre objectif que de baguenauder dans les lieux."

"On mesure bien cet engouement collectif avec le succès de la chanson interprétée par Gilbert Bécaud en 1963 « Dimanche à Orly », chanson dans laquelle même les vols nocturnes sont appréciés par les riverains : « quand le soir je retrouve mon lit, j’entends les Boeing chanter là-haut, je les aime mes oiseaux de nuit … ». "

"Plusieurs raisons majeures expliquent selon moi cette période très particulière.

La croissance rapide du pouvoir d’achat qui offre déjà aux ménages la possibilité de s’équiper en matériel électro-ménager, télévision et voiture permet à chacun de rêver qu’il pourra bientôt embarquer (« un jour, de là-haut, le bloc 21 ne sera plus qu’un tout, tout petit point »)."

Les lignes régulières se multiplient, à brève ou à longue distance :

"Dans ce contexte, la réalisation de la Caravelle crédibilise tous les espoirs et conforte la confiance du pays dans sa capacité à être partenaire de cette éclosion aéronautique.

Partant d’une industrie anéantie par la guerre, doté d’une flotte quasi intégralement d’origine étrangère, notre pays parvient à mettre sur une piste d’envol cet avion à réaction petit/moyen courrier en 1955, soit quatre ans après en avoir décidé le projet, grâce à l’effort conjoint des ministères des finances, des armées et du secrétariat à l’air (c’est son nom …) . On ne peut ici s’empêcher de constater que cette réussite technique et commerciale intervient dans le cadre d’une quatrième république réputée ultérieurement inefficace et qu’il a été de bon ton de tourner en ridicule du fait du renouvellement effréné de ses équipes ministérielles."

Le paquebot Rex dans Amarcord
Le paquebot Rex très semblable à mon souvenir des "Queens" dans le film de Fedrico Fellini "Amarcord"

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"Le développement du trafic aérien transatlantique s’accompagnera de la fin des paquebots transatlantiques. Eux aussi me faisaient rêver lorsqu’au début des années cinquante, je passais des vacances sur la presqu’ile de la Hague et que je voyais alternativement voguer à l’approche de Cherbourg le Queen Mary et le Queen Elizabeth."

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"Paquebots de croisières et avions de ligne d’aujourd’hui ne sont pas fondamentalement différents de leurs ancêtres des années cinquante, tout juste ont-ils pris de l’embonpoint.

Pourtant, les images de ces deux époques ne se superposent pas. Les premiers étaient porteurs de rêves (« y a de quoi rêver », chantait Gilbert Bécaud), les seconds ne sont plus que des transporteurs de voyageurs blasés (dans les airs) ou indolents (sur les paquebots de croisière)."

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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