Baby-boomer
Chaises à louer
1952 Vieilles en marche
" L'utilisation du mot «vieilles» apparaît aujourd'hui incongru voire irrespectueux. Pourtant, dans les années 50, on n'hésitait pas à désigner les choses et les gens par des termes simples et explicites.
Pour mémoire, la retraite était «des vieux» et «les vieux de la vieille» (film sorti en 1960).
Bande-annonce les vieux de la vieille, 1960, 2 min.10 (son détérioré)
De fait, les chaisières étaient uniformément vieilles et, pour autant, elles devaient être endurantes à la marche puisque leur domaine de chasse – qui était mon aire de jeu – s'étendait sur une bonne dizaine d'hectares. D'où l'association du substantif vieilli «vieilles» avec l'expression aux accents plus contemporains «en marche».
Ces femmes âgées parcouraient le jardin en trottinant, s'efforçant de surprendre les personnes indûment assises. Si le client retrouvait l'usage de ses jambes avant, elles n'avaient plus qu'à poursuivre leur pérégrination, n'ayant ni la force ni sans doute le pouvoir de l'obliger à s'acquitter de son obole.
En cherchant à en savoir plus sur ces personnes qui faisaient partie de mon décor d'enfant, j'ai appris des choses étonnantes:
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contrairement à ce que je pensais, elles n'étaient pas employées par la préfecture de la Seine mais par une entreprise privée choisie par adjudication. Chaises et chaisières faisaient donc l'objet d'un partenariat public-privé avant la lettre;
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au Jardin des Plantes, il y avait non seulement des chaises mais aussi des fauteuils, les unes et les autres uniformément en fer peint. Je me souvenais que la location d'un fauteuil coûtait plus que celle d'une chaise. En consultant le site du Sénat, j'ai appris que la location était l'objet d'autres différenciations plus subtiles au jardin du Luxembourg. Ainsi, la redevance était plus élevée à proximité des kiosques à musique (sans précision sur le fait qu'il soit occupé ou pas par des musiciens dans l'exercice de leurs fonctions). Plus surprenant encore, la convention prévoyait que le montant soit sévèrement majoré «sur les voies parcourues par des cortèges officiels, défilés ou revues». De 20 centimes à un emplacement sans tambour ni trompette, la redevance atteignait alors 50 centimes. Arrivait-il aux sénateurs de s'offrir en spectacle pour renflouer les caisses?
Le partenariat public-privé s'interrompra en 1974 sans que j'aie pu en déterminer les raisons: rentabilité insuffisante? Difficultés de recrutement de dames âgées? Volonté de la Préfecture de reprendre les chaises en main?
Alors que le stationnement payant des automobiles à Paris avait été instauré en 1967, les motifs de cette décision gagneraient à être connus.
Une histoire des chaisières reste à écrire. "
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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