Chasse

1984 Petite balle perdue

 

"  La petite balle perdue dont il va être question ici a été l'origine d'un orifice proprement pratiqué dans une vitre du bureau de mon épouse, le projectile terminant sa course dans les rayons de la bibliothèque.

 

Provenait-elle d'un ricochet malencontreux ou, plus vraisemblablement, d'un tir d'intimidation d'un chasseur mécontent de mes remontrances pour s'être approché de notre lieu de vie et de celui de nos jeunes enfants?

Trajectoire en ricochets d'une balle pour gros gibier

Ces chasseurs que je pouvais alors voir de trop près étaient pour la plupart des personnes ayant atteint ou dépassé la soixantaine et qui, selon toute vraisemblance, avaient obtenu leur permis de chasse bien avant la loi dite de «protection de la nature» qui imposait depuis 1976 une visite médicale attestant des aptitudes physiques et mentales des postulants.

 

Et quand bien même auraient-ils été jugés aptes, depuis lors aucune visite périodique ultérieure et aucun contrôle inopiné de leur taux d'alcoolémie n'était susceptible d'anticiper un risque accru d'accident.

pourcentage décroissant de chasseurs en France

Dans ce domaine, en dehors de la forte diminution du nombre de chasseurs (une division par deux de 1978 à 2008), qui mathématiquement diminue le nombre d'accidents, rien n'a changé en 2017.

 

Cependant, ces risques demeurent bien réels: du chasseur dont la vêture le confond si bien avec la nature environnante qu'il est identifié comme un gros gibier dès qu'il s'extrait de son embuscade au gamin victime d'un parent maladroit qui était soucieux de lui faire découvrir «les beautés naturelles du monde» sans omettre les victimes collatérales de ricochets intempestifs et imprévisibles.

A ce sujet, en préparant cette chronique, j'ai appris que la portée de balles destinées au gros gibier pouvait dépasser deux kilomètres et, au gré des ricochets successifs, décrire une trajectoire totalement différente de la visée du chasseur. En regard de cela, la réglementation imposant une distance minimale de cinquante mètres par rapport aux habitations apparaît donc dérisoire.

 

Bon an, mal an, on dénombre de dix à vingt morts d'accidents de chasse, une mesure de la dangerosité qui laisse dans l'ombre les quelques 150 à 200 blessés avec plus ou moins de séquelles ainsi que les personnes traumatisées pour avoir échappé à une fin promise au gibier.

 

Face à cela, on peut bien entendu, pour relativiser, adopter une approche comptable et rapprocher ces valeurs des 134 femmes battues à mort, des 3469 disparus précocement dans des accidents de la route, voire des 14000 décès prématurés imputables à la grippe, des 17000 des effets de l'amiante, des 48000 des effluves du gas-oil et aux 75000 de la tabagie (valeurs enregistrées d'une part et, d'autre part, estimations plus ou moins sujettes à contestation).

Mais on peut aussi regretter que la chasse soit le seul loisir dangereux pour des personnes qui ne le pratiquent pas (les adeptes des sports extrêmes prennent leurs risques sans les imposer à ceux qui ne partagent pas leur engouement).

 

Instaurer des journées sans chasse permettant aux promeneurs et cavaliers de découvrir les «beautés naturelles du monde» sans avoir à redouter «les pulsions intenses et profondes» des prédateurs de la faune apparaissait une mesure de conciliation raisonnable.

 

S'en tenir à un seul jour sur sept, qui plus est en semaine, le mercredi, jour de sortie des enfants, semblait une décision pondérée, a minima même.

 

C'est la mesure que prendra Dominique Voynet, ministre en charge, en juillet 2003 … mesure sur laquelle reviendra Roselyne Bachelot moins de trois ans plus tard. "

 

PS A celles et ceux qui n'auraient pas identifié la quasi homonymie du titre, une occasion est donnée de découvrir la magnifique interprétation de Bourvil du "petit bal perdu" dans "rendez-vous avec" le 9 décembre 1961, 3 minutes 30

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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