Cinémas (salles de)

1953 Attraction, palace et orgue

Le Gaumont Palace

"  Aller voir un film au Gaumont Palace est un événement qui dépasse le seul fait de voir un film en première exclusivité. Qu’on y songe: le plus grand cinéma du monde avec 6000 places, un palace doté d’un écran de 200 m2 et à l’entracte une attraction et un intermède musical joué par un organiste.

Qui plus est, l’objet de la sortie, offerte par la sœur jumelle de ma mère, est le dernier film de Walt Dysney, dont le journal de Mickey m’a prédisposé à apprécier les diverses productions, un dessin animé relatant les aventures de Peter Pan, un enfant qui ne veut pas grandir, confronté à son ennemi juré, le capitaine Crochet. Fée Clochette, île enchantée et crocodile dévoreur assurent le spectacle.

Salle du Gaumont Palace

Mais le spectacle est aussi dans la salle et sur la scène. Cette salle est proprement gigantesque avec ses deux niveaux de balcons, une salle à laquelle on accède par une galerie qui surplombe la place Clichy. A l’entracte, la scène s’anime. De la fosse d’orchestre jaillissent, mus par un système hydraulique un orgue et son organiste. J'apprends aujourd'hui qu'une fosse pouvait accueillir un orchestre de cinquante musiciens mais, soit ma mémoire est défaillante, soit plus vraisemblablement les ambitions de la chaîne Gaumont avaient déjà été réduites.

 

Je dois dire que je suis plus impressionné par le dispositif qui fait sortir l’orgue de sa boîte comme un vulgaire coucou que par la musique. Cela a une autre allure que l’harmonium à soufflet dont se sert l’institutrice chargée de l’heure de musique hebdomadaire à l’école communale, obligée de jouer d’une main et de l’autre de remuer une spatule en bois de haut en bas pour faire sortir des sons de sa boîte à musique.

Pochette de disque de Jacques Bodoin

Et puis, il y a l’attraction qui, parait-il, change chaque semaine. Ce soir là, c’est un fantaisiste qui se présente sur la scène et le Gaumont, déjà salle de cinéma et de concert, devient pour quelques instants une salle de music-hall. Ce jeune et élégant fantaisiste s’appelle Jacques Bodoin (il a alors 32 ans) et raconte des histoires d’école. Il y est question de tables de multiplications et d’un cancre prénommé Philibert.

 

J’étais venu voir Peter Pan. Je garderai un souvenir plus vif de l’orgue et de Jacques Bodoin.

Le Gaumont-Palace transformé en Castorama

 

 

La difficulté de remplir une telle salle, les coûts de fonctionnement (5 tonnes de charbon par jour en hiver) et la pression immobilière à Paris conduiront à la destruction du Gaumont-Palace en 1973. "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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