Baby-boomer
Consigne
1980 On savait
" «La vie moderne est la grande ennemie du temps perdu» et, en conséquence, «on jette purement et simplement» entendait-on aux Actualités Françaises en 1964.
Si les années 60, emportées par la conception dévoyée d'une modernité de pacotille, veulent ignorer ce qui se passe derrière la poubelle remplie d'emballages perdus (mais pas le moins du monde anéantis pour autant …), dès les années 70, des voix s'élèvent pour alerter sur les conséquences délétères du «tout jetable».
En 2019, durant les années écoulées, on a pu observer dans d'autres domaines que, par ignorance ou, plus vraisemblablement, afin de se dédouaner des retards accumulés pour s'attaquer à des problèmes de santé et d'environnement, on faisait comme si la découverte des dangers était bien plus récente qu'elle ne l'est en réalité.
Cela a été le cas avec une campagne gouvernementale sur les méfaits du tabagisme passif, campagne portée notamment par un petit film largement diffusé à la télévision et dans les salles de cinémas sur le thème «avant, on ne savait pas» (et c'est pour cela que l'on faisait de grosses bêtises). Ce film dont je ne suis pas parvenu à déterminer la date de production fait référence à la situation durant les années 60 (au vu de la DS21 dans laquelle les parents - inconscients du danger - enfument allègrement leurs chérubins). Or, si les études menées depuis les années 90 ont certes précisé et mieux documenté les risques, on savait dans les années 60 que le tabac n'était pas inoffensif et il ne fallait pas être grand clerc pour en déduire que l'enfumage des proches, et particulièrement de ses enfants, n'était pas recommandable.
Constat identique avec l'amiante: dans un film produit par le parlement européen en 2016, on peut entendre un député Belge tenir des propos ahurissants. Selon lui,«Au début de l'amiante, on ne savait pas que l'amiante était cancérigène et qu'elle allait tuer». Faut-il rappeler que l'amiante est exploitée industriellement depuis la fin du 19ème siècle et qu'un effet, susceptible de tuer, était dès cette époque lointaine identifié: l'asbestose ou fibrose pulmonaire? Faut-il souligner, avec la ligue contre le cancer, que les répercussions cancérigènes de l'amiante étaient en outre démontrées dès les années 50?
Meilleure protection contre les substances nocives, communication du Parlement Européen, 1 minute
La même pseudo-découverte récente des dangers des plastiques, qui justifierait que l'on s'en soit très modestement inquiété depuis quarante ans, relève, nous allons le voir, de l'affabulation.
On savait.
En 1973, une émission de télévision de qualité diffusée tôt dans la soirée «La France défigurée» est intitulée «Les plastiques: les déchets de l'an 2000». On y apprend que le gouvernement a désigné un chargé de mission pour étudier la question et pour proposer des solutions. Cependant, à la question du journaliste «faut-il interdire dès maintenant les emballages plastiques?», le chargé de mission apporte une réponse politiquement correcte (se dit d'une réponse qui, à défaut de prendre la mesure du problème posé, ne risque pas de déstabiliser les citoyens électeurs): «les consommateurs veulent du plastique et, si vous adoptiez une telle solution, vous auriez affaire à une émeute des consommateurs très rapidement».
Les plastiques : les déchets de l'an 2000, La France défigurée, 22 4 1973, 18 minutes 30
En 1975, une autre émission alerte sur la nocivité potentielle pour les ouvriers et pour les consommateurs des emballages plastiques. Les risques évoqués concernent essentiellement la mise en relation des liquides contenus avec ces emballages. Pas difficile pourtant d'imaginer que ces mêmes emballages immergés dans les océans pourraient aussi présenter un risque pour les poissons et, par conséquent, sur la chaîne alimentaire.
Plastique :un emballage discuté, Le fil des jours, 11 2 1975, 10 minutes
En 1979, les filets des pêcheurs Marseillais illustrent la réalité de cette pollution en Méditerranée dans un reportage de la chaîne régionale.
Bouteilles plastique en Méditerranée dès les années 70, Franceinfo, 8 6 2018, 1 minute
Les industriels savaient aussi: le 12 septembre 2018, le magazine Cash Investigation a retrouvé l'expert que la société Coca-Cola avait mandaté dans les années 70 pour étudier l'éventuelle transition de ses bouteilles du verre au plastique. Ses conclusions étaient très en faveur du maintien du statu quo (verre et consigne). Le rapport n'avait jamais été rendu public avant cette investigation.
En 1980, pour limiter la dissémination des déchets, des expérimentations de recyclage sont conduites: un exemple nous est donné par un reportage de Normandie soir sur le recyclage du verre et du plastique dans le Calvados.
Il est plaisant de noter la conclusion de la journaliste: «Bien entendu, ce ramassage ne nous dispense pas de préférer encore les bouteilles consignées plus économes en énergie, réutilisables jusqu'à 40 fois et toujours moins chères ».
Recyclage du verre, Consommateur information Normandie soir, 23 4 1980, 1 minute 40
Oui mais … à l'initiative exclusive des producteurs, ce choix ne sera bientôt plus possible.
A noter au passage que l'on apprend ici que les bouteilles non consignées sont plus chères et, ce, sans comptabiliser les coûts additionnels du recyclage discrètement imputés aux consommateurs par le biais des taxes de ramassage des ordures.
En 1980 toujours, considérant toutes ces raisons, l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) émet une recommandation consistant à revenir au système de la consigne.
On sait ce qu'il en est advenu. "
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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