Cuir

1963 Introuvable halle aux cuirs

"   Bien que la halle aux cuirs de Paris ait été implantée fort près du domicile où je vivais alors, je n'en ai conservé que quelques bribes de souvenirs:

  • des bâtiments plutôt vétustes et disparates installés sur un quadrilatère délimité par les rues Santeuil (siège de l'entrée principale), Censier, de la clef et du fer à moulin,

  • dans ces rues, des voitures en stationnement rongées par la rouille du fait du sel utilisé à l'intérieur de la halle,

  • de cet intérieur, la vision furtive d'ouvriers en tabliers de cuir (c'était bien le moins) dans des entrepôts obscurs, évoquant pour moi durant l'enfance les mineurs glorifiés au cinéma,

  • des odeurs méphitiques dès que l'on s'approchait de ces entrepôts.

 J'ignorais son origine et j'ai donc commencé par là.

Pour comprendre la suite, vous devez consulter la galerie de photos ci-dessous qui est accompagnée de textes explicatifs, , faute de quoi la compréhension de la suite serait problématique. Cliquez sur la première photo à gauche puis défilez à votre rythme la suite des photos jusqu'à la dernière sur laquelle figure une erreur dans wikipedia au sujet de la reconstruction de halle après l'incendie de 1906.  

Pour toutes celles et tous ceux - de plus en plus nombreux- qui n'ont pas connu ce lieu avant sa destruction à partir de 1964 et son remplacement par la faculté Censier (aujourd'hui Paris 3, Sorbonne nouvelle), l'information apparaît d'autant plus vraisemblable :

J'ai donc eu recours dans un premier temps à une photographie aérienne de 1949 extraite à partir de Google Earth, photo qui, bien qu'assez médiocre, montre, contrairement à ce qui est indiqué sur Wikipedia, une implantation encore diffuse à l'emplacement de la halle, et, alentour, une densité d'habitat restée faible 43 ans après l'incendie, ce qui correspond bien à mon souvenir.

 

Une autre photographie aérienne de la mosquée de Paris, à proximité, laisse apparaître dans l'angle supérieur gauche une partie de l'habitat compris entre la rue Geoffroy Saint-Hilaire et la rue Santeuil qui confirme l'implantation peu dense de bâtiments de faible hauteur.

Pour consulter les photos de la halle qui témoignent de son existence et de la nature de son environnement entre les rues Santeuil et Geoffroy Saint-Hilaire entre 1906 et 1963, cliquez sur la première photo à gauche puis défilez à votre rythme la suite des photos, toutes accompagnées de commentaires.

Couverture du livre "L'herbe des nuits"

Je me suis souvenu que Patrick Modiano avait évoqué cette démolition dans un ouvrage récent  «L'herbe des nuits», évocation qui place bien l'événement dans les années soixante.

J'ai ensuite procédé à la recherche de témoignages d'autres écrivains notamment en m'aidant de Google Books. J'en ai trouvé dans les ouvrages suivants :

Des témoignages concordants quant aux odeurs déplaisantes qui ne me semblaient pourtant pas se répandre au-delà des quatre rues entourant les bâtiments mais il est vrai que je ne faisais qu'y passer … et que je ne m'y attardais guère.

Et rien sur ce qui se déroulait à l'intérieur.

Un texte de Jacques Audiberti publié initialement par Le Petit Parisien du 2 novembre 1938 nous renseigne toutefois un peu sur ce qui se passait dans cet antre puant, dans «ces vastes hangars ténébreux»: «… des hommes en sabots, en tablier de cuir traitent les peaux. Par énormes paquets, les cuirs, encore velus et lourds d'humeurs organiques mêlés à des liquides propres à accélérer leur macération, ne cessent d'arriver. On les décharge à grand bruit. On se croirait chez des ogres.» . Il mentionne aussi la présence d'un marché, d'une Bourse où l'on vend et achète les cuirs.

A l'évidence, on assurait ici l'activité de mégisserie, définie tantôt comme un nettoyage des peaux préparant le tannage proprement dit, tantôt comme le tannage des ovins et caprins . Allait on jusqu'à la corroierie, un traitement des cuirs après tannage pour les rendre plus souples et leur donner leur dernier apprêt, une activité à laquelle Simone de Beauvoir comme d'ailleurs Jean-Paul Sartre attribuent exclusivement les odeurs nauséabondes (à tort , me semble t'il) ?

Rien n'est moins sûr. "

 

A défaut de disposer d'images sur la halle de 1963, deux courts films en donnent une idée :

"  A l'issue de cette recherche digne d'un juge d'instruction ou d'un généalogiste, j'ai eu la curiosité de découvrir ce que devenait la Faculté Censier une cinquantaine d'années après son édification. J'ai ainsi appris que le bâtiment allait à son tour être démoli pour une installation plus au large rue de Picpus mais aussi pour échapper à l'amiante abondamment utilisée, comme à Jussieu. 

Censier transféré à Picpus, Le Parisien, 19 10 2013, texte

Et, là, une surprise que je n'escomptais plus : deux photographies de la halle aux cuirs lors de sa destruction sur le site de l'Université Sorbonne Nouvelle. Et ces photographies constituaient une preuve irréfutable de mes assertions. Elles correspondaient de plus exactement à la description du chantier de Patrick Modiano: «... un terrain vague doté de maisons basses à moitié détruites» (côté pair de la rue Santeuil), «Tout au fond, un bâtiment moderne que l'on achevait de construire puisqu'il portait encore des échafaudages» (la «barre» longeant la rue de la clef).  "

 

Pour consulter ces photos, cliquez sur la première à gauche puis défilez à votre rythme la suite des photos, toutes accompagnées de commentaires.

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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