Cultes

1954 Blanc palais

Photo de la mosquée vue de l'entrée du jardin des plantes

"  La grande mosquée de Paris a fait dès mon plus jeune âge partie de mon décor.

 

Je l'ignorais alors: elle avait été achevée en 1926 en reconnaissance des dizaines de milliers de soldats de confession musulmane morts sous le drapeau de la France durant la «grande guerre».

 

Je la voyais de l'entrée du jardin des plantes située à l'angle de la rue Geoffroy Saint Hilaire et de la rue Buffon chaque fois que je me rendais dans ce qui était pour moi plus une grande aire de jeu qu'un conservatoire des plantes.

Observée de cet endroit, cette construction basse et blanche tranchait sur les immeubles grisâtres et si banaux qui la longeaient sur la rue Georges Desplas parallèle à la rue Geoffroy Saint Hilaire.

 

Le minaret, qui aurait pu en faire autre chose qu'une résidence fastueuse et exotique, n'était dans mon imaginaire qu'une tour marquant le pouvoir et la richesse du propriétaire à l'image de celles que je découvrirais bien plus tard à San Gimignano en Toscane. Cette interprétation de la fonction du minaret était affermie par l'absence de sons de cloches et d'appels à la prière d'un muezzin, lesquels m'auraient évidemment conduits à interroger mes parents.

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Marchand de tapis années 50

 

De plus, rien ne laissait à penser que ce blanc palais pouvait être fréquenté par des ecclésiastiques ou par des fidèles, les personnes appartenant à cette confession ne se distinguant pas par des atours spécifiques. Selon mon souvenir, seuls les colporteurs marchands de tapis, familièrement dénommés «monzamis» par les autochtones qui imitaient ainsi la formule et le phrasé utilisés par lesdits colporteurs, arboraient alors fez et djellaba et l'on peut émettre l'hypothèse selon laquelle c'était surtout pour accréditer l'origine de l'autre côté de la Méditerranée de leur achalandage.

Livre des contes des mille et une nuits dans la collection rouge et or

 

En conséquence, ces bâtiments évoquaient pour moi un de ces palais des contes des mille et une nuits découverts dans le livre (de la collection rouge et or) que mes parents m'avaient offert. Cette affectation était en outre confortée par le film «Ali Baba et les quarante voleurs», film de Jacques Becker sorti en cette année 1954 dont la bande-annonce proclamait qu'il était «obligatoire aux moins de 16 ans» et dans lequel Fernandel surjouait un Ali Baba d'opérette (à «en rester baba» comme le promettait aussi la bande-annonce).

 

Danseuse dans Ali Baba et ...
Danseuse dans Ali Baba et ...

 Certaines scènes du film laissaient augurer à l'intérieur du palais bien d'autres pratiques que le recueillement et la prière ...

 

Ce n'est qu'une dizaine d'années plus tard, en visitant la mosquée, que j'aurai de visu confirmation de la destination essentiellement cultuelle des lieux. "

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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