Droguerie

1976 Mélange en sous-sol

Le terrain avec ses piquets
Premiers piquets plantés

"J’avais entrepris de réaliser par moi-même la clôture du champ que nous venions d’acquérir pour y construire notre maison. Ayant opté pour une réalisation rustique et pas trop onéreuse, les poteaux devaient être des branches d’acacias, disponibles à profusion dans la forêt d’Orléans voisine et charroyées dans la toute aussi rustique Renault 4."

Emplacement de la droguerie rue Royale en 1976
Emplacement de la droguerie rue Royale en 1976

"A mes interrogations sur le risque de pourrissement prématuré de ces piquets dans la terre argilo-marneuse, un collègue me conseilla un traitement au carbonyl et m’indiqua ou trouver cet ingrédient. Il s’agissait d’une droguerie située dans le centre d’Orléans sous les arcades de la rue Royale, à l’angle du quai du Chatelet longeant la Loire.

Si j’en crois aujourd’hui – en 2013 – le site internet de la Fédération Française Droguerie Bazar (FFDB) , ce droguiste était alors un survivant d’une époque révolue : « jusqu’en 1940, le droguiste était un technicien en blouse grise faisant dans son arrière-boutique des mélanges et des préparations diverses ». Mon pourvoyeur en carbonyl portait bien une blouse grise. Je ne saurais affirmer si la mixture était de son cru mais il allait bien extraire dans sa cave (accessible par un escalier situé dans le magasin) cet élixir de vie de l’acacia pour en remplir les récipients que je lui avais amené vides, à l’image de l’épicier bas-normand qui, peu de temps auparavant, pompait encore le cidre de son tonneau situé sous son magasin pour en remplir des bouteilles de vin consignées."

Cependant, les commerces de droguerie étaient déjà engagés dans une profonde mutation. Selon la FFDB, leur nombre était en forte décroissance, passant de 9765 en 1972 à 8897 en 1980, une chute qui s’accentuerait encore jusqu’à réduire leur contingent à 4589 en 1990. Pourtant, le nombre des professionnels ne diminuait pas dans les mêmes proportions, ne chutant que de 21707 en 1972 à 16713 en 1990.

Sans doute pouvait-on voir là les effets d’un transfert vers des commerces couvrant un spectre plus large. Le commerce spécialisé ne semblait cependant pas promis à la disparition mais plutôt à une autre forme d’organisation puisque l’année précédente, en 1975, une chaîne de magasins spécialisés avait été créée en Allemagne, Schlecker, qui connaissait le succès et allait étendre rapidement son emprise dans toute l’Europe.

 

"Près de quarante ans se sont écoulés. Quel état de situation peut-on établir ?

Tout d’abord, ma clôture abondamment traitée au carbonyl ne s’est pas effondrée. Une médication préventive que je ne pourrais plus employer. Les rats de laboratoires exposés à l'inhalation et à l'absorption par la peau du carbonyl ayant développé des oedèmes pulmonaires ainsi que des lésions d’une grande diversité (foie, cerveau, reins), les autorités ont préféré privilégier le maintien en vie des bricoleurs occasionnels à l’immortalité des acacias.

La chaine de magasins Schlecker a connu en 2012 une faillite retentissante, la plus importante enregistrée en Allemagne depuis la deuxième guerre mondiale.

En France, ses 139 magasins ont adopté l’enseigne d’une chaine principalement orientée dans la distribution alimentaire : un retour à la boutique de proximité à tout vendre du hameau du Locheur ?"

Droguerie définitivement fermée
Droguerie fermée à Rémalard (Orne)

 

"La boutique de « mon » droguiste a depuis longtemps fait place à un autre négoce. Pour l’agglomération d’Orléans, à la rubrique « droguerie », l’annuaire du téléphone ne recense plus qu’une seule référence et le total est de six pour le département du Loiret, ce qui permet d’émettre l’hypothèse que le score national doit au mieux se compter en centaines."

 

 

 

 

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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