Débarquement

2013 Pour de faux

Touristes en jeep d'époque

"« On se fait plaisir, on s’y croit », voilà ce que l’on peut entendre sur un site internet dans une de ces nombreuses tentatives visant à « faire revivre le débarquement ».

Des officines locales proposent ainsi des « tours théâtralisés ». Elles lâchent les touristes consentants dans la nuit Bas-Normande en les dotant de criquets artificiels (signes de reconnaissance des soldats alliés) et leur ménagent des peurs mémorables tarifées en faisant surgir de l’obscurité des intermittents du spectacle déguisés en vilains nazis.

Dans l’une de ces équipées, les touristes, entrainés au mépris du danger par un parachutiste américain, parviennent même à « faucher la 2CV des Allemands », un véritable exploit si l’on considère que la première 2CV est sortie de l’usine de Levallois-Perret le 7 octobre 1948.

D’autres « tours opérateurs » proposent, dans le cadre « de week-ends originaux et de vacances insolites » de parcourir les lieux des combats en « jeep d’époque comme si vous y étiez ». Pour les plus téméraires, un autre les trimballe en voiture amphibie (si, comme la jeep, elle est d’époque, c’est peut-être un moyen radical pour « se mettre en immersion » comme le promet un autre site …)."

Etiquetage du biscuit de Sainte-Mère-Eglise

"Après toutes ces émotions, les touristes seront invités à une dégustation du biscuit de Sainte-Mère Eglise, lequel arbore opportunément un blason en forme de parachute, à l’image de celui méticuleusement suspendu pour l’éternité au clocher de l’église."

"Pour ceux qui ne pourraient pas venir « revivre le débarquement » in situ, pour les inconditionnels de la réalité virtuelle et à destination des enfants qui apprendront ainsi l’histoire en s’amusant, rien de tel que le jeu de guerre « Art of War Omaha » gratuitement accessible sur internet. Des conseils de grand bon sens y sont prodigués pour « revivre le débarquement » sans risque comme : « fais progresser ton soldat en évitant les tirs ennemis et en visant les soldats adverses ». "

Jeu du débarquement pour enfants

"Les bambins ne sont pas oubliés à qui l’on offrira des figurines articulées en matière plastique des valeureux combattants."

 

"Pour les moins aventureux, les plus traditionnels, la visite d’un musée s’impose. Là, on n’a que l’embarras du choix car les musées du débarquement ne se comptent plus dans le Calvados, dans la Manche mais aussi dans le troisième département de Basse-Normandie, l’Orne, département dépourvu de tout accès à la mer."

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"5 juin 1954 à Arromanches : dix années s’étaient écoulées avant que le premier musée du débarquement ne soit inauguré par René Coty, Président de la République inaugurateur et Normand. En 1959, je crois bien que ce musée était encore en situation de monopole. A l’évidence, ceux qui avaient vécu ces événements tragiques (20 000 victimes civiles en Normandie tout de même) ne tenaient pas plus que cela à en faire un sujet d’attraction pour le tourisme."

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"En 1998, le musée était agrandi et le guide, interviewé par une station régionale, exposait les caractéristiques de sa clientèle (et pas de ses visiteurs). Au sommet de la falaise, un cinéma circulaire doté de neuf écrans complétait le dispositif pour « s’installer au cœur de l’action »."

"En 2012, le directeur du musée déclarait dans une autre interview : « la commune vit par ce tourisme de mémoire depuis 1954. C’est normal que ses habitants y soient très attachés »."

Sac arborant les noms de plages du débarquement

"Ici comme dans tous les musées, privés aussi bien que publics, la boutique contribue désormais significativement à la rentabilité de l'affaire. La « clientèle » s’y attarde souvent plus longtemps que devant les vitrines du musée.

Dans un reportage sur cette évolution des musées en général, un responsable justifie la vente de « produits dérivés » en précisant qu’il s’agit de « dérivés culturels ». Pourquoi pas tant que la décence et le bon goût restent de mise.

Mais est-ce vraiment le cas lorsque par exemple on commercialise un sac de plage arborant les noms de code des plages du débarquement si l’on se remémore que le soir du 6 juin, on dénombrait sur ces lieux codés 8000 jeunes tués ? Ne serait-il pas plus approprié d’évoquer dans ce cas une « dérive culturelle » ?"

"Que dire aussi de l’évolution de musées qui privilégient le spectacle, l’émotion voire l’esbroufe au détriment de la mise en perspective ? "

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"Le Mémorial de Caen, « musée pour la paix » que j’ai visité il y a une vingtaine d’années, fait exception en s’attachant aussi aux origines de la seconde guerre mondiale et aux conséquences du conflit durant l’après-guerre.

Ce n’est peut-être pas un hasard s’il s’agit en l’occurrence d’un musée public."

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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