Edicule

1955 Avoir les jetons

"Le 4 octobre 1955, M Edouard Bonnefous, ministre des Postes, des Télégraphes et des Téléphones, inaugure la première cabine téléphonique répondant à la qualification d 'édicule (c'est-à-dire implantée sur le domaine public) boulevard Saint Germain, précisément à proximité de l'église Saint Germain des Prés.

 

Extérieurement, cette cabine est très semblable à celles qui subsistent aujourd'hui, constituée d'une armature légère en aluminium offrant de vastes surfaces vitrées et caractérisée par une mention téléphone sur chacun des côtés, peut-être destinée aux personnes distraites ou aux visiteurs en provenance de contrées lointaines encore moins bien dotées que nous en équipements téléphoniques.

 

Intérieurement, le combiné téléphonique noir trône sur un gros coffret de la taille d'une armoire électrique, il est attaché par un flexible qui évoque un antivol de vélo.

 

Sur le coffret, on trouve une fente dans laquelle il convient avant toute chose d'introduire le jeton … que l'on se sera préalablement procuré à la Poste. Les numéros que l'on peut composer sur le clavier rond sont exclusivement ceux de la capitale. Sept rotations de plus ou moins grande envergure sont nécessaires pour espérer joindre son correspondant. Les numéros de téléphone sont composés de trois lettres identifiant le quartier (ODE pour Odéon par exemple) suivis de quatre chiffres.

Ces cabines téléphoniques de rues s'ajoutent aux cabines publiques que l'on trouve de longue date dans les bureaux de poste ou dans des cafés par exemple. Les commerces disposant de cet équipement public sont identifiables par une plaque visiblement apposée en façade.

En fait, ce réseau complémentaire de cabines de rues ne vise pas seulement à répondre aux besoins d'usagers itinérants. Il constitue aussi un moyen d'accéder au téléphone pour des clients en attente de raccordements. En 1955, il y en a 31000 à Paris et ce nombre ne cesse d'augmenter. Il n'est pas rare d'attendre des mois pour être introduit dans le réseau, sauf à connaître des gens «bien placés». Pour paraphraser la célèbre chanson populaire, ce qui fait marcher la machine (téléphonique), c'est le piston."

"En 2014, il n'est guère besoin d'épiloguer sur les raisons qui ont entraîné la disgrâce des cabines téléphoniques:

  • au milieu des années soixante-dix, il devenait plus facile d'obtenir un raccordement et ceci réduisait la clientèle «de proximité»,
  • à partir de 1997, la dissémination accélérée de téléphones portables (et des réseaux associés) asséchait le «marché» des itinérants et conduisait en quinze ans (de 1999 à 2014) à une réduction de 99% du nombre de cabines."

"Des communes se mobilisent encore pour conserver l'unique cabine qu'une loi promulguée du temps ou le service public était de mise leur garantit, un temps de pénurie ou le téléphone était une denrée peu répandue.

Ainsi en est-il d'Urville-Nacqueville, commune de la Manche ou je passais des vacances au début des années cinquante.

 

Si la justification «service public» est bel et bien obsolète, on se prend à rêver d'un temps ou ces isoloirs nous préservaient dans les lieux publics de conversations privées dont le niveau sonore est généralement inversement proportionnel au niveau d'intérêt."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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