"C'était à Nacqueville dans la presqu'île de la Hague.

Mon père avait fait une mauvaise chute en se promenant dans les ruines des maisons de Landemer et souffrait d'une foulure au genou. La consultation du médecin local n'avait pas donné de résultat probant, immédiat en tout cas.
De l'avis unanime des autochtones, il lui fallait sans tarder avoir recours à l'illustre et vénérable rebouteux local.

D'aucuns prétendaient même qu'il aurait mieux fait de commencer par là.

J'accompagnais mon père avec le jeune Manchois Paul pour la visite. Il fallait bien un habitant du pays pour nous conduire jusqu'à l'antre du faiseur de miracles, bien cachée à l'écart du village, puis nous convaincre de frapper à la porte de sa bicoque.

Manifestement, les talents de guérison du propriétaire ne s'étendaient pas à l'immobilier. Si ma mémoire ne me trahit pas, le sol était même en terre battue. Quant au vieux bonhomme, il gardait tout son mystère, se montrant fort peu loquace.

Au terme d'une séance sans incantations ni chichis , sans se réclamer de la « sagesse ancestrale» auquel son âge lui aurait permis de prétendre, après une énergique manipulation du genou paternel, il prescrivit une décoction à base de produits faciles à se procurer. Nous n'étions pas à Lourdes et mon père ne repartit pas les jambes à son cou mais, de fait, il se rétablit dans les jours qui suivirent.

Effet d'une kinésithérapie intuitive, force de conviction renforcée par le paiement d'une dîme ou simple conséquence du temps qui passait et de l'effet du traitement médical à la longue, je ne saurais le dire mais cette réussite contribua à conforter les villageois dans leurs bonnes dispositions à l'égard du taciturne sauveur. "

Un (début de) reportage sur les guérisseurs de nos campagnes

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