Lavoir

1972 Linge sale en famille

"Dorénavant, une majorité de foyers français est dotée d'une machine à laver. On n'utilise pas encore le terme de lave-linge tant la diffusion des lave-vaisselles reste limitée.

Supporté par une entreprenante publicité, le taux de pénétration des machines à laver a bondi, passant de 7,3 % en 1954 à 24,4 % en 1960 et 57 % en 1970."

"Bien qu'il demeure une forte minorité de foyers non équipés, la désertification des lavoirs est déjà très engagée.

Le déploiement de laveries automatiques en libre service peut en partie l'expliquer. Mais tel n'est pas le cas dans des villages éloignés de ces commerces comme ceux que je fréquente à une quinzaine de kilomètres de Caen.

Peut-être le fait qu'une majorité de femmes lave désormais son linge sale en famille enlève-t'il de l'attrait au lavoir comme lieu de rencontre? Peut-être celles qui ne bénéficient pas encore de cet attribut du confort domestique (et des «arts ménagers» …) éprouvent-elles un certain malaise à le montrer?"

Le lavoir -envasé-  d'Evrecy en 2015
Le lavoir -envasé- d'Evrecy en 2015

"A Evrecy, commune proche du Locheur qui compte alors moins de 700 habitants et n'est donc pas dotée d'une laverie automatique, le lavoir n'est déjà plus fréquenté que par quelques rares femmes mures ou carrément âgées. Au nombre de ces dernières, la femme de l'ancien garde-champêtre, une septuagénaire qui a connu ma mère gamine et qui, poussant sa brouette lourdement chargée de linge, fait parfois une halte chez mes parents pour reprendre souffle au retour du lavoir, à mi-parcours de la mairie ou elle réside."

La mère Denis en action

"En 1972, une autre femme normande de la même génération fait une apparition remarquée à la télévision pour vanter les mérites de la machine à laver Vedette. Paradoxalement, c'est en faisant sa lessive au lavoir de son village manchot qu'elle acquiesce à l'assertion selon laquelle Vedette «mérite votre confiance». Tout aussi étrangement, cette campagne publicitaire est couronnée de succès plaçant un temps Vedette en tête des ventes de machines à laver tandis que la «mère Denis» (c'est ainsi que les publicitaires ont rebaptisée madame Le Calvé) devient célébrissime et étendra son «domaine de compétence» à d'autres produits de la marque n'ayant plus strictement rien à voir avec la lessive.

Pour madame Le Calvé, il ne s'agit pas d'un rôle de composition puisque, après avoir été garde-barrière pendant 27 ans, elle a «fait des lessives» durant 20 ans et, cela, dans le décor du spot télévisé, au hameau du Tôt à Barneville-Carteret."

"Je ne suis vraiment pas convaincu que ces femmes, qui avaient fait un travail éprouvant, partageaient l'opinion de ce journaliste qui, lors d'un reportage dans le quartier alors plutôt déshérité des bords de la Vienne à Limoges, s'extasiait en 1970 devant un lavoir et voyait dans la machine à laver «une tyrannie du progrès» s'inscrivant dans les «temps modernes avec leurs mille carcans»."


"En 2012, le taux d'équipement atteignait 96,7 % et le marché de renouvellement culminait à deux millions et demi par an."

"Que je sache, les reportages vantant «le linge bouilli bien savonné qui sent bon» (autre citation du journaliste limougeaud) et des assertions du même tonneau formulées jusqu'à nos jours par d'autres journalistes (des hommes...) n'ont décidé aucune jeune femme à prendre le chemin des lavoirs, aussi bien restaurés et aussi coquets soient-ils."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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