Mais la raison principale de cette relative déchéance est sans doute ailleurs. Hier, en 1999, il s'écoulait au moins 1 heure à la radio et plusieurs heures à la télévision entre chaque bulletin. Ceux-ci, généralement strictement limités aux frontières de la France métropolitaine (dommage pour les travailleurs frontaliers et pour les grands voyageurs), ne fournissaient que des indications régionales assez globales. Aujourd'hui, avec les progrès de la météorologie et le développement d'internet, l'information est à la fois plus riche et géographiquement plus précise.

Ainsi par exemple, les deux seuls habitants recensés dans la commune de Majastres (l'un des deux occupant le fauteuil du maire …) disposent de prévisions constamment actualisées concernant leur village perché à 1143 mètres dans les Alpes de Haute Provence, à l'écart des grands axes et à 32 kilomètres de Digne (ville bien trop petite pour être jamais mentionnée dans les prévisions télévisées ...).

Outre les températures maximale et minimale et les pictogrammes diffusés par la télévision pour le «sud des Alpes», ils disposent sur le site de météo France du degré d’hygrométrie, de la force et du sens du vent, de la probabilité qu'il pleuve dans l'heure à venir...

Et, si d'aventure (très improbable), l'un de nos deux Malejactois devait se rendre dans la ville la plus éloignée de France, Wellington à plus de 19000 kilomètres, il pourrait instantanément savoir comment se vêtir en prévision d'une arrivée au terme de 30 à 40 heures de vol (avec deux inévitables escales ).

C'est vraisemblablement cette disponibilité immédiate d'une information toujours fraîche et répondant précisément à la demande de chacun (à la seule condition d'avoir dans sa poche un smartphone) qui a le plus fortement dévalorisé les commentateurs de la météo.

Une commentatrice nouvellement affectée à cette tranche indigeste excelle dans ce registre. Elle ne semble au comble de la satisfaction qu'en présentant un territoire couvert de pictogrammes ronds et jaunes et en claironnant des températures toujours plus élevées («34 à Bordeaux aujourd'hui et encore plus demain»), les températures «supérieures aux normales saisonnières» ayant le privilège de toute sa considération. Elle m'évoque irrésistiblement l'attitude de notre chat lorsqu'il nous rapporte des musaraignes (mortes ou vives) en quêtant du regard notre reconnaissance.