Naples

2010 Jeux de sociétés

Une statue d'un palais de Naples au milieu des antennes télé

"J’ai intitulé ce volet « jeux de sociétés » car il me semble qu’il entre dans le comportement des Napolitains une grande part de jeu. La plus visible illustration réside dans le comportement des conducteurs de tous engins, du gamin de six ans juché sur une mini-moto à l’adulte chauffeur d’autobus métamorphosé en pilote de rallye.

Limitations de vitesses, lignes continues, sens interdits sont superbement ignorés d’une majorité de Napolitains. Leur règle de conduite semble être : tout ce qui apparaît matériellement faisable peut être fait et rien ne semble plus leur complaire qu’un carrefour bien encombré dans lequel on pourra affirmer son influence ou un passage périlleux offrant l’occasion de démontrer sa dextérité.

La signalisation n’est pourtant pas en retard par rapport à ce que l’on peut constater dans d’autres villes. Ainsi, à Pozzuoli ou nous résidons, à une dizaine de kilomètres de Naples, un carrefour dangereux et très fréquenté est depuis sept ans (sans doute plus) équipé de feux tricolores … que je n’ai jamais vus autrement qu’en mode clignotant, laissant aux automobilistes tout loisir de s’imposer à l’esbroufe.

Cette année, on a en outre créé dans une des rues de ce croisement une zone 30 signalée par des panneaux et d’autres clignotants. Il arrive que l’on y circule moins vite encore … lorsque des voitures accidentées immobilisent le carrefour."

Voiture abondamment rayée

"Dans cette jungle automobile, les Napolitains font preuve d’une incontestable maestria, limitant généralement la casse à des frottements de peintures. La rayure napolitaine (sur d’autres voitures ou sur les murs des constructions) est une spécialité locale, prouvant ainsi qu’il s’en est fallu de quelques millimètres pour que tout se passe bien."

Surveillance par satellite de la solfatare à Pozzuoli
Surveillance par satellite (deuxième plan de la photo) de la solfatare de Pozzuoli

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"On peut se demander si ce goût banalisé du risque ne tient pas à une relativisation par rapport à d’autres risques plus graves contre lesquels les Napolitains ne peuvent rien. J’ai précédemment évoqué l’épidémie de choléra de 1973, le tremblement de terre de 1980 et le phénomène de bradyseisme de 1984. Il faut bien entendu y ajouter le risque d’éruption du Vésuve : même si les témoins de sa dernière manifestation en 1944 sont de moins en moins nombreux, il faut se souvenir que cette éruption était la quatrième du 20ème siècle et que celle de 1906 avait recouvert Naples d’une couche de cendres si dense que de nombreux bâtiments s’étaient écroulés sous son poids.

Depuis lors, des sismologues se relaient en permanence pour surveiller le monstre assoupi. De même, depuis 1984 à Pozzuoli ou il a fallu construire un nouveau quai un mètre quatre-vingt plus bas, une surveillance par satellite du cratère volcanique de la Solfatare a été mise en place."

Tas d'ordures devant la banque de Naples (centre historique)
Centre historique de Naples en septembre 2010

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"Une autre menace moins spectaculaire mais hélas bien avérée plane sur les habitants de la région : celle des décharges sauvages de déchets.

Depuis quelques années en France, on a surtout vu de Naples les tas d’immondices accumulés dans les rues. Sur place, on peut en plus en humer les odeurs et celles de leurs consomptions. Pas vraiment attractif. Mais cela n’est rien par rapport aux effets mortifères des déchets industriels toxiques déposés aux bords des routes ou dans des décharges sauvages à proximité immédiate des lieux d’élevage et de culture. A Naples, fruits et légumes sont particulièrement succulents. Une partie d’entre eux est pourtant contaminée, accroissant significativement les taux de cancers et de malformations à la naissance.

A côté de cela, les balles perdues lors des règlements de comptes de la Camorra sont à ranger dans la rubrique des faits divers bénins."  

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"Dans un tel contexte de périls sur lesquels les Napolitains n’ont aucune prise, on peut émettre l’hypothèse que le « jeu de la route » offre en quelque sorte l’opportunité d’une prise de risque maîtrisable dans une certaine mesure, d'une revanche sur la fatalité." 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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