Normalisation

1955 Attentes énormes

"A la lecture d'un livre publié en 1946 et simplement intitulé «La normalisation», on mesure combien l'on comptait alors sur cette «discipline encore jeune» pour faire repartir l'économie du pays et l'aider à entrer dans ce que Jean Fourastié nommera plus tard les trente glorieuses. L'auteur énumère ainsi ce que l'on peut attendre de la normalisation:

  • baisse des prix de revient par la réduction de la diversité inutile engendrant accroissement des volumes, réduction des stocks et simplification administrative,
  • satisfaction du client du fait de l'interchangeabilité des pièces de rechange et de la plus grande facilité de réparation,
  • amélioration de la qualité grâce aux standards définis (pas du tout considérés comme des injonctions tyranniques …) et limitation des excès d'une concurrence privilégiant les prix bas,
  • «arme capitale pour l'exportation» .

Si la discipline est «encore jeune» (au plan national, l'AFNOR a été créée le 22 juin 1926 et, au plan mondial, l'ISO ne sera créée que le 23 février 1947), la préoccupation est ancienne (les Égyptiens pour la construction des pyramides, les Romains pour la confection des briques).

Plus récemment, les deux guerres mondiales ont renforcé la nécessité d'accords techniques entre les pays alliés en matière d'armement.

Les films des années cinquante que conserve l'INA donnent la même image positive de la normalisation :

  • en 1953, un film d'une vingtaine de minutes présente la normalisation danoise comme un exemple à suivre,
  • en 1955, Robert Rocca, chansonnier célèbre, prête sa voix à un autre film intitulé «vive le client», film dans lequel la normalisation est explicitement associée au progrès et à l'amélioration des conditions de vie."
Robert Rocca
Robert Rocca

Vive le client (ode à la normalisation) commentaires dits par le chansonnier Robert Rocca, 1 1 1955, 16 minutes 40

 

"Il serait sans doute difficile aujourd'hui de convaincre un amuseur de vanter les bienfaits de la normalisation…"

 

"Dans ma compilation des sources antérieures à 1955, je n'ai trouvé aucune critique fondamentale à l'encontre du besoin de convenir de standards communs. Je ne parle pas ici de textes plus ou moins polémiques comme ceux qui paraissent aujourd'hui mais de thèses qui auraient pu mettre en garde contre le risque d'«inflation normative».

La seule position en retrait concerne le champ d'application de ces standards communs. Un autre ouvrage publié en 1953 1 en vante les mérites mais en restreignant leur couverture «à l'échelon de l'entreprise» : «des entreprises de plus en plus nombreuses ont compris les avantages d'une standardisation à leur échelon, faite pour leurs besoins particuliers».

Sans décourager la volonté de commencer par mettre de l'ordre chez soi, on voit bien que les limites fixées ne répondent qu'au premier des quatre objectifs énoncés précédemment. Encore cette réduction du catalogue au «juste nécessaire» peut-elle être limitée par un marché sur lequel, faute de normes, plusieurs modèles concurrents coexistent."

Alignement de bouteilles de gaz de différents formats

"Pour illustrer les limites d'une telle approche, j'évoquerai trois exemples issus de mon expérience de client :

  • en tant que caravanier itinérant en Europe, j'ai pu expérimenter la diversité des prises électriques (cela s'est amélioré) et l'incompatibilité des bouteilles de propane (cela demeure),"
Tuiles
  • devant remplacer quelques tuiles «de pays», j'ai eu la surprise d'apprendre que non seulement les teintes de cuisson n'étaient pas codifiées et, plus gênant encore, que les dimensions variaient de quelques centimètres dans les deux dimensions selon les fournisseurs.

"La standardisation restreinte «à l'échelon de l'entreprise», et même à l'échelon national, ne constitue à l'évidence pas une réponse à ces incommodités.

Malgré quelques approches timorées comme celle que je viens d'évoquer, autour des années cinquante, on attendait que le champ normatif s'étende à des domaines autres que ceux de ses origines, l'électricité et la mécanique, et que, par conséquent, la quantité de normes augmente pour gagner en efficacité.

 

On était loin d'évoquer les inconvénients d'une «inflation normative» ..."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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