Opérette

1956 Tchika tchika tchik aÿe aÿe aÿe

"Tino Rossi, qui reste un chanteur à succès, n’a jamais brillé par ses qualités de comédien. Ainsi ai-je déjà pu le voir déambuler mollement, l’air absent, dans « Naples au baiser de feu », un film tourné en 1938. Au début de sa carrière, jeune, svelte et brillantiné, sa maladresse pouvait encore être attendrissante. Vingt ans plus tard, on n’en percevait plus que l’apparence définitivement pataude.

 

Bien qu’il se soit produit sans interruption depuis l’avant-guerre, les chansons qui ont fait sa gloire datent de cette période. Il y exalte son île (oh ! Corse, île d’amour), Marinella (ah ! reste encore dans mes bras) et encore Catarinetta (ah ! Catarinetta bella tchi tchi). Ces ritournelles lui ont attiré un vaste auditoire populaire et sentimental, surtout féminin."

"En 1956, il n’a pas encore 50 ans mais son empâtement précoce et sa voix hier langoureuse devenue un rien poussive lui donnent la dégaine empotée de son héros d’après-guerre, le mémorable « petit papa Noël », une chanson qu’il a créée l’année de ma naissance et qui, depuis, revient irrémédiablement de manière lancinante sur les ondes des radios chaque année à l’approche des fêtes.

 

Son jeu de scène est d’une grande sobriété de moyens : le plus souvent il se limite à un dandinement d’une jambe sur l’autre à un rythme indolent. Le Chatelet avait été la première salle équipée de l’électricité. Elle est aussi pour la circonstance dotée pour la première fois de micros . On en a truffé décors et costumes, ici dans un vase de fleurs, là dans un nœud de cravate , afin de rendre audible le mince filet de voix qui s’échappe de ce gros corps."

De l’intrigue, je ne garde aucun souvenir. Seul le refrain est resté dans ma mémoire. Il y est copieusement question de la météorologie d’une Méditerranée « aux îles d’or ensoleillées », de « rivages sans nuages », d’ « un ciel enchanté », d’une « mer toujours plus bleue » et d’un « soleil qui fait mûrir les ritournelles ».

Affiche de La belle de Cadix avec Luis Mariano

 

 

 

Evoquant « Méditerranée », Benoît Duteurtre écrit : « Après les livrets persifleurs qui renversaient les poncifs en les ridiculisant, voici le temps des prospectus pour agences de voyages ».

 

En cela, « Méditerranée » ne se différenciait pas des opérettes de cette époque dans lesquelles l’évasion vers « ces pays imbéciles où jamais il ne pleut » (selon la formule de Georges Brassens ) constituait une destination obligée.

 

On allait au Chatelet ou à Mogador pour prendre « la route fleurie qui conduit vers le bonheur » et assister aux exploits vocalisés du « prince de Madrid », des « amants de Venise » ou de « la belle de Cadix ».

 

Luis Mariano interpétant "La belle de Cadix" (2 minutes 30 d'un film)

 

Cette belle de Cadix « aux yeux de velours qui n’a jamais connu l’amour », Luis Mariano l’accompagnait dans un spectacle précédent de la formule incantatoire « tchika, tchika, tchik, aÿe, aÿe, aÿe ! », formule on le constatera infiniment plus dynamique que le fumeux « tchi, tchi » dont Tino Rossi avait gratifié quinze ans auparavant sa belle Catarinetta." 

...

 

"L’opérette originale renaîtrait plus tard sous la houlette de metteurs en scène sachant tirer parti de sa fantaisie, évitant les espagnolades et n’ayant pas recours aux paillettes pour épater le public.

On pense à Jérôme Deschamps et à Jérôme Savary mais aussi, au cinéma, à Alain Resnais dont « Pas sur la bouche » réalisé sur un mode intimiste avec des acteurs talentueux était l’exact contraire du m’as-tu vu lourdingue de « Méditerranée »."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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