Ordures ménagères

1975 Casse des dépôts

Décharge en forêt

"  Dans le village à une quinzaine de kilomètres d'Orléans où nous avons élu domicile depuis deux ans, une décharge de bonnes dimensions se niche dans un endroit discret non loin de la lisière de la forêt. Je ne saurais affirmer qu'il s'agit de la décharge municipale mais cela en donne tous les signes: une prédominance d'ordures ménagères avec leurs doses de déchets industriels mais sans un excès qui pourrait révéler une décharge sauvage, un aplanissement périodique qui dénote une certaine forme de gestion.

 

Cela me rappelle la forêt de Fontainebleau telle que je la fréquentais avec mes parents le dimanche dans les années cinquante: on pouvait alors pénétrer en voiture par les chemins forestiers accessibles de la nationale.

Fontainebleau : entrée obstruée par de la terre
Fontainebleau : entrée obstruée par de la terre

Il n'y avait pas de grands tas d'immondices mais plutôt les reliefs des pique-niques dominicaux et certains automobilistes profitaient de la sortie pour bichonner leurs montures, voire pour les retaper ou les vidanger. Les entrées avaient donc été obstruées par des amoncellements de terre à la fin de ces années 50, quand les automobiles étaient devenues envahissantes.

A Evrecy, village-martyr en 1944 que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer dans ces chroniques, on avait reconstruit quasiment à l'identique et ce respect du temps passé s'était également appliqué au traitement des ordures: celles-ci étaient regroupées en contrebas de l'église où le seul traitement consistait à les compresser. Je ne saurais affirmer que cela se passait encore ainsi en 1975 avant que la décharge ne soit recouverte d'une couche de terre. Cela étant, je pense que cette situation était encore largement partagée car nombre de communes n'avaient pas les moyens de se doter d'équipements propres (aux deux sens du terme).

 

La loi du 15 juillet 1975 instaure alors l'obligation pour chaque commune de collecter et d'éliminer les déchets des ménages, mission pouvant être assurée par des syndicats inter-communaux. L'article 2 précise qu'il s'agit de supprimer «les effets nocifs sur le sol, la flore et la faune» de même que la pollution de l'air et de l'eau. L'application de ces prescriptions implique que les dépôts à même le sol, sauvages ou municipaux, sont désormais proscrits.

 

Cette loi sera notamment renforcée en 1992 en ignorant la notion-même de décharge pour la remplacer par celle de centre de stockage réservé aux déchets ultimes.

 

Cependant, l'application est loin de suivre: selon Jean-Michel Balet, en 1997, on dénombrera encore 6700 décharges dont 5000 clandestines dans lesquelles aboutiront 48% des déchets ménagers.

 

Jusqu'en 2009, deux trains alimenteront quotidiennement la décharge de la communauté urbaine de Marseille à Entressen, laquelle décharge en atteignant jusqu'à 60 mètres de hauteur gagnera le titre peu enviable de plus grande décharge d'Europe.

 

Et les feux de décharges, de Clichy sous bois à la Martinique, continuent en 2017-2018 à témoigner d'un ébaubissant fossé entre la loi et son application. "

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien