Prénom

1962 Philippe, Rodolphe, Nathalie et les autres

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"A l’examen du fichier des prénoms que tient l’INSEE, on constate que Philippe est très peu choisi avant les années trente : la gloire acquise par Philippe Pétain durant la « grande guerre » n’a donc eu aucun effet sur les décisions parentales.

Philippe prend son envol dans les années trente à une époque où le maréchal, déjà fort âgé, n’occupe plus une place de premier plan. Le début de l’engouement ne s’explique d’ailleurs pas non plus par la renommée particulière d’un autre homme public ou d’un personnage de fiction. On peine à imaginer que Philippe Soupault aie pu susciter cette vogue naissante.

La montée en puissance du prénom Philippe s’opère dans un premier temps d’une manière identique à celle que l’on observe pour tous les prénoms : elle est nette, régulière et devrait, après son apogée, redescendre au même rythme que celui de son ascension.

La prise de pouvoir de Philippe Pétain n’a dans un premier temps aucun effet particulier sur la pente ascendante, ni d’accélération, ni de décélération, mais il se produit un phénomène inédit dans le cycle de vie des prénoms dès 1941/1942 : on observe une chute qui ramène le taux de choix à celui du milieu des années trente et, ce, jusqu’ en 1946/1947.

 

Graphique INSEE utilisation de prénoms
La chute atypique de Philippe en 41-42

Philippe Pétain, loin d’être à l’origine du succès de mon prénom, est par conséquent responsable, si j’ose dire, de sa baisse de régime."

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Photos du "petit Rodolphe" dans la presse
Le "petit Rodolphe" qui reçoit plus de courrier que Martine Carol (actrice en vogue), sujet traîté par Jacqueline Cartier (journaliste en vue)

"Dans les années de mon enfance, un autre prénom connait une faveur particulière : Rodolphe.

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Pour comprendre la notoriété du « petit Rodolphe », il faut évoquer la place prépondérante de la radio dans une période durant laquelle la télévision n’a pénétré que dans fort peu de foyers. Les jeux radiophoniques atteignent alors des sommets d’audience. Marcel Fort, animateur maître de ces cérémonies, est une vedette sans équivalent aujourd’hui. Officiant sur Radio-Luxembourg, radio commerciale, on lui adjoint un jeune garçon prénommé Rodolphe, lequel va participer à la publicité des produits de toilette Dop Monsavon, bons clients de la station radiophonique.

Ainsi, le « petit Rodolphe » intervient-il non seulement à la radio mais encore durant les « réclames » au cinéma, lesquelles réclames constituent alors, avec les actualités cinématographiques, les seuls canaux permettant de voir ses contemporains en mouvement.

On est fondé à se demander si la vogue de ce prénom est liée ou non à la médiatisation de son héros très éphémère (à l’approche de l’adolescence, perdant toute valeur commerciale, il disparaitra définitivement des ondes et des entractes). "

"La période de gloire du « petit Rodolphe » s’étend de 1955 à 1960. Or l’observation des courbes de l’INSEE montre que la montée en puissance du prénom débute en 1952. L’arrivée en pleine lumière du gamin n’a pas plus d’effet sur la progression du prénom Rodolphe que n’en avait eue seize ans auparavant le retour de l’octogénaire Pétain sur le succès du prénom Philippe.

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S’il pouvait subsister un doute à ce sujet, on notera que la faveur du prénom ne se démentira pas avec la disparition médiatique de son fugace héros puisque Rodolphe rassemblera ses plus hauts scores quinze ans plus tard, en 1975."

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"Dans les années soixante, un autre prénom, féminin, remporte un grand succès : Nathalie. La même question peut être posée que pour Philippe et pour Rodolphe : ce succès doit-il quelque chose à celui, considérable, de la chanson éponyme interprétée par Gilbert Bécaud."

Une nouvelle fois, les courbes de l’INSEE nous apportent la réponse : la croissance des dénominations Nathalie commence à la fin des années cinquante et la chanson écrite par Pierre Delanoë est créée en 1964."

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"Avec la libéralisation qui interviendra plus tard, le nombre des prénoms utilisés s’accroîtra sensiblement notamment au profit de prénoms d’origine étrangère et plus particulièrement anglo-saxonne.

Ainsi Kevin sera t’il le prénom choisi par une majorité de parents en 1991. D’aucuns attribuèrent cette vogue au film de Kevin Costner « Danse avec les loups ». Seulement, le film avait été distribué en France en 1990 alors que l’engouement pour Kevin avait pris naissance dès la fin des années soixante-dix…

 

Si l’on peut comprendre que le succès d’un prénom soit assuré par suivisme ou mimétisme, le fait qu’un prénom commence à sortir de l’ombre à un moment donné garde donc tout son mystère."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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