Reconstruction

1959 Edifices bien peu édifiants

Evrecy en reconstruction - baraquements au fond
Evrecy en reconstruction - baraquements au fond

 

Le titre que j'ai choisi pour cette étape ne concerne pas les édifices provisoires réalisés dans la hâte et la pénurie mais, sans pour autant faire de mon appréciation une généralité, certains édifices issus d'une reconstruction qui n'était encore pas achevée quinze ans après le drame.

 

Lenteurs de la reconstruction aux actualités en 1952, 4 minutes 30

Je voudrais toutefois évoquer d'abord ces bâtiments provisoires dont certains, parfois considérablement remaniés, existent encore aujourd'hui (en 2016). Je n'ai trouvé que peu de traces photographiques de ces constructions dans le village d'Evrecy qui constitue la base de mon témoignage. Aucune photographie de la plus grande partie de ce village provisoire implanté à l'entrée du village en venant de Caen et qui a intégralement disparu, remplacé par des lotissements à partir des années soixante.

Ci-dessus et ci-dessous : photos Google street view de baraquements  réaménagés subsistant en 2016
Ci-dessus et ci-dessous : photos Google street view de baraquements réaménagés subsistant en 2016

 

Cet îlot était constitué de baraques en bois (assez semblables aux «mobile-homes», en plus «étoffé»). Parfois, le bois était recouvert de toiles goudronnées noires. L'ensemble avait été planté là sans trop d'ordre apparent et évoquait, pour l'enfant que j'étais alors, un village du far west.

Il y avait même une petite église avec un clocher bas, le tout sans commune mesure avec la vaste église dévastée que j'évoquerai plus loin.

Les deux baraquements qui subsistent aujourd'hui, aménagés, transformés, ne donnent pas une idée exacte. Il faut se référer à des photographies prises dans d'autres villages à cette époque pour trouver une correspondance plus fidèle.

Les huit Finlandaises
Dans les années soixante

Seules les sept «Finlandaises» (sur huit) ont peu évolué. La Finlande, comme ailleurs la Suède, avait en effet fait don de constructions en bois conformes à la tradition scandinave, donc à vocation plus durable. Ces constructions étaient ici montées sur un socle en pierres faisant office de sous-sol. En 1959, la plupart d'entre elles avaient déjà été recouvertes de plaques de fibrociment.

2 Finlandaises
Aujourd'hui (google street view) Ci-dessus et ci-dessous.

 Au développement de la végétation environnante près, elles ont peu changé plus de soixante ans après leur édification. Je me souviens être allé dans l'une d'entre elles dès le milieu des années cinquante (quand mes parents avaient été dotés d'une 4CV). Elle était occupée par une femme qui «avait du bien», laquelle attendait impatiemment d'emménager dans sa maison cossue sur la place de la mairie.

Il est vraisemblable – mais je ne saurais le confirmer en l'absence de documentation et les adultes de cette époque s'en étant allés – que ces maisons avaient initialement été attribuées aux personnes les mieux nanties et réaffectées ensuite à d'autres locataires moins aisés.

 

Venons-en maintenant au nouveau village en voie d’achèvement.

En cette année 1959, mes parents emménagent (pour les vacances) dans une maison issue de l'héritage de mes grands-parents maternels décédés avant la guerre."

...

 

"La participation à la définition des options d'urbanisme et d'architecture – s'il y en avait eu une – n'avait pas concerné les relations – pourtant nombreuses – que ma mère avait conservées sur place. Celles-ci s'exprimaient comme si elles avaient été par deux fois dépossédées de leurs biens, la seconde consistant en l'édification d'un village conçu sans elles et qui n'était plus le leur.

Version originale : accès au jardin via le trottoir (google street view)
Version originale : accès au jardin via le trottoir (google street view)

Outre ces questions touchant à l'appropriation par les habitants de leur nouveau lieu d'existence, on pouvait sérieusement s'interroger sur la compétence des architectes. J'en donnerai deux exemples:

  • une maison voisine était dotée de deux issues: une porte d'entrée et un portail donnant l'un et l'autre directement sur le trottoir. En conséquence, pour se rendre dans leur jardin, les habitants n'avaient d'autre solution que d'emprunter le trottoir … ou de sauter par les fenêtres. La percée d'une porte-fenêtre – aux frais des nouveaux propriétaires – remédia à cette étrangeté;

  •  l'église du village, classée, avait été elle aussi ravagée. Sa tour-clocher, possible point de guet pour les troupes d'occupation, était écroulée. Les photographies d'avant-guerre montrent que celle-ci était enserrée dans de confortables contreforts ainsi qu'il est courant pour ce type d'édifice. D'autres photographies réalisées dans les années cinquante font apparaître un amaigrissement drastique de ces contreforts (et la disparition d'un charmant clocheton asymétrique). Dans les années qui suivirent, cette construction dût être considérablement renforcée pour éviter l'écroulement. N'était-ce pas un peu prévisible? Existait-il simplement dans l'inventaire des monuments historiques des tours-clochers aux lignes aussi «épurées»?"

...

 

"Une exposition consacrée à la reconstruction dans le Calvados en 2010 distinguait trois options architecturales: la tradition, la modernité (à l'aune des années cinquante) et le mélange.

Ici, comme dans la plupart des villages reconstruits, la tradition a dominé (exception faite de Villers-Bocage ou des maisons traditionnelles voisinent avec une église «moderne» et avec une audacieuse halle aux bestiaux) alors qu'à Caen et dans les autres villes du département (Vire, Falaise …) on a opté pour le mélange, donnant ainsi un peu l'illusion d'une édification étalée dans le temps et, de ce fait, plus diversifiée, plus conforme au processus d'évolution des cités.

 Le Havre, autre ville normande reconstruite, a vu son centre-ville résolument «moderne» inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2005.

Visiter Le Havre comme une curiosité touristique qui «vaut le détour», sans doute… mais y vivre?"

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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