Retraite aux flambeaux

1953 Effarouchant défilé

Retraite aux flambeaux - foule déordonnée

"  Le titre que j'ai choisi reflète ce que j'avais vivement ressenti enfant en accompagnant mes parents dans une procession conduite par des religieux mais suivie par une foule quelque peu endiablée qui brandissait des lampions dans un désordre de carnaval propice à tous les débordements.

 

Cela se passait à Nacqueville, village si proche d'Urville que, à l'instar des communes de banlieue entourant les grandes villes, on passait de l'un à l'autre sans s'en rendre compte. Et le parcours du défilé, que je suis incapable de reconstituer aujourd'hui, devait sans doute emprunter des chemins de ces deux villages limitrophes qui seraient regroupés onze ans plus tard.

 

Cela se passait au mois d'août puisque mon père était présent et qu'alors les entreprises fermaient le plus souvent en août pour les deux semaines de congés payés.

 

Voilà le peu que je savais avant d'entreprendre quelques investigations, à commencer par la consultation du site de la commune d'Urville-Nacqueville. J'ai ainsi appris:

  • qu'il s'agissait de fêter la Saint-Laurent et que l'événement avait lieu le deuxième dimanche d'août;

  • qu'un chant avait été créé en 1937 pour célébrer Laurent (dont je ne suis pas parvenu à déterminer l'origine de sa relation privilégiée avec le village). Ce chant commençait ainsi (sic):

D'puis c'matin c'est épatant

On voit comm' du temps de Moïse

La grand' foul' se dirigeant

Du côté d' la terr' promise;

  • qu'avant 1940 cette manifestation s'accompagnait d'un défilé de chars, d'une tombola, d'une fête foraine et qu'après la guerre il ne subsistait de tout cela qu'une retraite aux flambeaux et quelques festivités plus modestes.

Le site de la commune ne précise rien de la date et des raisons de l'extinction de cette glorification annuelle de Laurent. Néanmoins, il me semble vraisemblable que la diminution considérable du nombre de prêtres, ici comme partout ailleurs en France, n'y est pas étrangère.

Jeunes prêtres à l'inauguration de l'église

En 1953, des prêtres étaient affectés dans les plus petits villages. Dans une autre chronique, j'ai déjà mentionné la présence d'un prêtre à cette époque dans le hameau du Locheur (moins de 200 habitants) dans le Calvados. Peut-être ici y avait-il un prêtre pour chaque commune (à peine plus de 300 habitants chacune). Celui que j'avais vu alors était d'ordination récente ainsi qu'en témoigne un film datant de 1961.

 

Malgré leur extrême proximité, chaque commune avait son église. Les deux ayant été détruites par la guerre, je me souviens que la question de la reconstruction d'une église unique ne faisait pas l'unanimité. Au bout du compte, une seule église Notre Dame sera reconstruite mais on y ajoutera tout de même une chapelle Saint Laurent.

 

Je me souviens aussi du poids de la presse catholique d'alors qui, faisant état des oukases de la Centrale Catholique du Cinéma (CCC), déconseillait des films pour des raisons religieuses voire les exécutait d'un lapidaire «à ne pas voir» (ces prescriptions disparaîtront en 1972) .

 

On pouvait donc observer à la fois un clergé présent et actif et des fidèles en nombre se soumettant aux rites (la fête de Saint Laurent) et aux interdits (les films proscrits projetés à Cherbourg).

 

Quelques indications supplémentaires sur la comparaison au plan national de cette situation des années cinquante par rapport à celle des années 2010:

 

  • en 1950, plus de 1000 prêtres avaient été ordonnés, il y en aurait à peine 100 par an à partir de 2010,

  • en 2015, le nombre de prêtres avait quasiment diminué de moitié depuis 1995, chutant à 15000 dont 7000 de plus de 75 ans,

  • avec cette population âgée et 800 décès par an (à mettre en regard des 100 ordinations), les prêtres encore en poste devaient couvrir des territoires de plus en plus vastes.

 

 

Difficile dans ces conditions d'organiser et de conduire des retraites aux flambeaux ...  "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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