Robots

2019 Confiance et contrôle

Lénine et sa phrase

"   Une phrase attribuée à Lénine a été fréquemment reprise dans le cadre de séminaires de formation de managers: «la confiance n'exclut pas le contrôle».

Cet adage à destination d'humains chargés de conduire les actions d'autres humains peut s'appliquer à la relation d'humains avec des robots.

 

Avec le robot aspirateur, on ne pouvait guère craindre que la casse d'objets du fait d'un défaut de contrôle ou d'appréciation de cet aspirant robot. Avec la tondeuse, le risque était déjà plus élevé. Avec l'automobile, l'angoisse gagne certains.

 

Pourtant, les millions de ces aspirateurs et tondeuses vendus dans le monde depuis leur apparition sur le marché dans les années 2000 n'ont à ma connaissance pas été à l'origine de faits divers dramatiques ni même simplement dérangeants.

 

Pourtant les humains conducteurs d'automobiles gagneraient à être plus modestes quant à leur fiabilité lorsque l'on rappelle le nombre de victimes (1,2 million de morts par an dans le monde, 40 fois plus de blessés) et surtout le pourcentage d'accidents dans lesquels la responsabilité des conducteurs est peu ou prou engagée (estimation à 95%).

 

Jamais distraits, jamais fatigués, jamais alcoolisés, jamais drogués, jamais occupés à autre chose (téléphone, voire SMS) et jamais matamores meurtriers, les robots jouissent en outre de temps de réaction infiniment plus courts que les humains pour faire face à une situation dangereuse et ils ont déjà par exemple avec les régulateurs de vitesse dits intelligents l'élémentaire jugeote qui fait défaut à beaucoup d'automobilistes de respecter les distances de sécurité.

 

En fonction de ces considérations, adopter a priori une attitude de confiance à l'égard des robots me semble conséquent.

 

C3 Aiecross avec système actif de freinage

Pour autant, cela ne dispense pas de s'interroger sur la validité en toutes circonstances du diagnostic des robots disponibles aujourd'hui sur un véhicule de grande diffusion : C3 Aircross. Considérant par exemple le freinage d'urgence déclenché automatiquement en cas d'obstacle apparaissant inopinément dans la trajectoire de l'automobile, si le conducteur a déjà constaté dans les secondes qui précédent qu'un lourd camion le suivait de beaucoup trop près, plutôt que de freiner brusquement sans modifier la trajectoire, tenter le contournement autant qu'il est possible (en comptant sur les robots ESP et ABS pour limiter le dérapage) et éviter ainsi que le camion n'écrabouille à la fois sa propre voiture et l'obstacle que le robot freinage d'urgence s'apprêtait à préserver à sa manière ?

C3 Aircross freinage urgence,  Pub Citroën,  1 minute 20, 20 9 2017

 

C3 Aircross aide au stationnement

Moins dramatique mais source d'interrogation tout de même: l'aide au parking de la voiture. Dans les exemples montrés dans le film du constructeur, le robot parking, après avoir identifié un emplacement possible, se charge de la direction des opérations, laissant seulement au conducteur la maîtrise de la vitesse du déplacement et du moment d'arrêt. Le film se déroule en ligne droite sur un terrain plat et sans obstacle intempestif. Que se passe t'il par exemple dans une courbe irrégulière ou le long d'un fossé ?

C3 Aircross assistance au parking, Pub Citroën, 1 minute 40, 20 9 2017

 

Dernière illustration avec la lecture des panneaux de limitation de vitesse. Aujourd'hui le robot panneaux s'en tient à proposer une vitesse à accepter ou non par le conducteur, ce qui limite le risque d'erreur mais que se passe t'il avec un véhicule autonome lisant un panneau tagué ou partiellement recouvert d'une affichette publicitaire ou politique?

C3 Aircross reconnaissance des panneaux, Pub Citroen, 1 minute 30, 20 9 2017

 

On a la réponse avec les systèmes d'interprétation à ce jour : un panneau stop dégradé traduit en limitation de vitesse à 70 km/h.

Voiture autonome erreur reconnaissance panneaux, Info ViaMichelin, texte, 14 09 2017

 

Voiture en feu, file de gauche d'une autoroute

Pour mesurer les difficultés restant à résoudre avant de parvenir à une autonomie complète et sûre, j'ajouterai deux situations que j'ai vécues. Sur une autoroute à trois voies, une voiture est arrêtée en feu sur la voie de gauche. Les automobilistes des trois voies se déportent sur la voie d'urgence à l'approche de l'impressionnant obstacle pour s'éloigner le plus possible de la fournaise. Évidemment, cet incendie provoque un bouchon. Un robot conducteur saurait-il apprécier cette situation et ne serait-il pas tenté, parvenu sur la voie médiane complètement dégagée, de reprendre son élan pour dépasser l'obstacle?

 

Petite route de montagne en lacets

Autre cas au sujet duquel je m'interroge: sur une petite route de montagne aux lacets très serrés, il n'est souvent possible de prendre les virages à droite qu'en déportant la voiture sur la partie gauche et ce pour éviter des manœuvres difficiles et potentiellement dangereuses. Pour s'engager dans cette opération au moindre risque, le conducteur scrute la route après le lacet en haut quand il monte, en bas quand il descend.

 

A ce jour, à ma connaissance, il n'existe pas de voiture commercialisée qui sache réaliser ce contrôle visuel. Les radars en trois dimensions des voitures autonomes expérimentales seront-ils plus perspicaces? Sauront-ils adapter leur trajectoire si une caravane est attelée à la voiture?

 

Un autre risque doit être pris en considération: celui de l'intervention malveillante ou accidentelle à distance du robot-conducteur mais aussi celui du bricolage volontaire du logiciel pour «améliorer la performance» (au même titre qu'aujourd'hui le bricolage des moteurs ou des pots d'échappement).

Piratage voitures autonomes, le monde.fr,, 1 minute 35, 15 08 2017

 

Face à une difficulté insurmontable ou non prévue, on peut envisager de redonner la main à un conducteur humain de substitution mais on se heurtera alors à un écueil identifié de longue date par les ergonomes intervenant dans des salles de contrôle de processus industriels automatisés : celui du maintien d'un niveau d'attention suffisant pour réagir rapidement dans un environnement ou il ne se passe généralement rien. Peut-être faudra t'il soumettre le conducteur à des alarmes artificielles ou le contraindre, à intervalles réguliers, à confirmer qu'il n'est pas atteint de somnolence (comme cela est de règle dans le transport ferroviaire).

 

Et si l'on ne peut se passer intégralement d'un intervenant humain en cas de défaillance du robot, il faudra s'interroger sur la difficulté pour les nouveaux conducteurs de réagir à des situations difficiles en l'absence d'une pratique courante de la conduite dans des situations habituelles.

 

Ces quelques réflexions personnelles ne me conduisent pas à démonétiser nos robots et, au vu des progrès croissants réalisés ces toutes dernières années, je suis confiant dans notre capacité à concevoir des robots sans cesse plus fiables et en tout cas plus rassurants que les humains en matière de conduite automobile.  "

 

 Chronique publiée en janvier 2019

Pour consulter des chroniques sur des thèmes connexes déjà abordés dans cet abécédaire :

L'informatique de gestion, cliquez ici

La bureautique et les PCs, cliquez ici

 Les smartphones, cliquez ici

 

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien