Sanatorium

2016 Friches et réfections

"  La tuberculose en France n'a pas été complètement éradiquée mais elle est devenue marginale par rapport à d'autres fléaux et l'on peut désormais la prévenir et la guérir dans la plupart des cas (cette situation est bien différente au plan mondial).

Petit théatre du sanatorium de Bligny conçu pour accueillir des patients alités
Petit théatre du sanatorium de Bligny conçu pour accueillir des patients alités

Aussi les bâtiments construits spécifiquement pour le traitement de la maladie, difficiles à reconvertir à d'autres fins, sont-ils atteints d'obsolescence fonctionnelle. Leur image est de plus calamiteuse. Ainsi que l'écrit Jean-Bernard Cremnitzer, «le sanatorium est synonyme d'une époque révolue, d'un lieu quasi-concentrationnaire souvent vécu comme un mouroir». Il semble toutefois qu'il reste aujourd'hui une centaine de lits réservés à des tuberculeux répartis entre Bligny (Essonne) et le Plateau d'Assy (Haute Savoie).

Toutefois, si l'on fait une recherche de vidéos sur internet sur le mot sanatorium, on ne trouve aucun établissement en fonctionnement mais, en masse, des films réalisés par des amateurs de sensations fortes qui jouent à se faire peur dans des bâtiments abandonnés et vandalisés. Au nombre de ceux-ci on citera les sanatoriums de Dreux (Eure), d'Aincourt (Val d'Oise) ainsi que 3 des 4 pavillons de Bligny qui ont successivement fermé de 1987 à 2001.

Certains expliquent cet attrait ballot pour les sanatoriums abandonnés par la mémoire des conditions de vie auxquelles étaient soumis les patients: ils y restaient longtemps sans certitude d'en sortir guéris. Isolés, ils ressentaient souvent un fort sentiment d'enfermement, ainsi qu'en témoigne une correspondance au dos d'une carte postale.

D'autres attribuent à l'issue fatale promise à une partie des malades la frayeur facile et artificielle que rechercheraient les olibrius qui s'ébrouent dans ces vestiges dévastés.

 

L'explication ne tient guère car l'on voit hélas des installations désertées de toutes natures subissant les mêmes outrages. Ainsi en a t'il été à Orléans de la vinaigrerie Dessaux fermée en 1984 et plus récemment du centre IBM situé en périphérie déserté en 2005.

Aincourt avant vandalisation

Certains pourraient être tentés d'excuser cette forme de délinquance en arguant du sort fatal inéluctable auquel sont voués ces bâtiments.

Ce serait erroné dans au moins deux des cas que je viens de citer:

  • le sanatorium d'Aincourt a été enregistré aux monuments historiques en 1999. Si les mots et les décisions ont un sens, il devrait donc un jour (?) être remis en état. Lourde tâche au vu de la situation du bâtiment avant et après sa vandalisation;

  •  à Orléans, la municipalité vient de décider de transformer la vinaigrerie en centre d'art. Quelle part des 6 à 7 millions d'euros prévus pour cette opération est-elle imputable à la réfection des dégradations intentionnelles ?

A côté des piteuses «fins de vie» de certains sanatoriums, on enregistre aussi des mutations, voire des reconversions réussies. Les deux établissements situés à proximité de mon domicile entrent dans cette catégorie:

  • la maison de repos des Sablons s'est progressivement agrandie et a été complétée par une maison de retraite. La confrontation de la carte postale de 1975 avec une photographie prise à l'été 2016 rend compte de cette évolution. Le grand potager, déclassé en pelouse dans les années quatre-vingt, est devenu un parking. Des bâtiments d'un style discutable et, en tout état de cause ne reprenant aucun des codes du «grand hôtel» initial, ont contribué à l'accroissement sensible de la capacité d'accueil;

  •  à Beauregard, le sanatorium pour femmes (nommé un temps aérium) a perdu la vocation sanitaire qu'il avait conservé en tant que maison de repos pour devenir un centre de loisirs communal accueillant les enfants durant les congés.

Ailleurs, des sanatoriums ont évolué vers le traitement d'autres types de maladies (maladies respiratoires bien entendu mais aussi cancers notamment). Certains ont été vendus «à la découpe» en appartements.

 

Cependant, la préoccupation de la conservation patrimoniale des bâtiments présentant un certain intérêt architectural demeure faible (c'est patent avec le cas d'Aincourt déjà cité).

A l'argument d'obsolescence fonctionnelle précédemment mentionné s'ajoute selon Jean-Bernard Cremnitzer le fait que, pour le monde médical «le sanatorium est l'image d'une illusion thérapeutique dépassée, empirique, génératrice d'échecs conséquents avec une mortalité substantielle et d'un manque de rigueur scientifique que la découverte des antibiotiques a balayé en quelques années».

 

Disons plutôt deux bonnes décennies car, ainsi qu'on vient de le voir, la mutation n'a pas été aussi expéditive que cela ... "

 

Cette chronique a été publiée en août 2016

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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