Scooter

1961 Le charme n'opère plus

"Les ventes de scooters, qui avaient culminé en 1955 à 135 667 unités, chutent en 1961 à 13 714, soit à un niveau inférieur à celui de 1951 (14 380). L'effondrement le plus spectaculaire est intervenu en 1958 avec un niveau inférieur de moitié à celui de l'année précédente (51 668 contre 102 282), les ventes de motocycles dans leur ensemble se stabilisant autour de 1 million par an.

La période faste d'après-guerre du scooter en France coïncide donc strictement avec les années cinquante.

Rassemblement de scooteristes à Malesherbes

Cet engouement s'est manifesté de différentes manières.

 

Le site consacré aux images d'archives en région Centre-Val de Loire recueille des films réalisés par des amateurs. J'ai eu la surprise de constater que durant les années cinquante un nombre significatif de ces films muets avait été consacré à des événements collectifs magnifiant le scooter:

  • un rassemblement (non fortuit) de scootéristes à Malesherbes,
Scooteriste sur sa planche
  • un circuit découverte au départ de Chateauroux,
  • une démonstration de saut d'obstacles sur la place du 10 juin à Issoudun (obstacles rudimentaires comme une planche placée au milieu sur un tréteau, néanmoins une foule pour applaudir la performance du scootériste qui l'emprunte),
Course dans les rues de Vendôme
  • une course dans les rues de Vendôme (pas des jeunes désœuvrés et frénétiques sur des vélomoteurs assourdissants comme on peut en voir aujourd'hui mais une course tout de même),
  • ..."

Images extraites des films muets d'amateurs sur le site CICLIC (années 50)

Scooter Vespa avec side-car
Pneux flancs blancs, deux tons, chromes ...

...

 

"Le scooter est plus qu'un moyen de transport. C'est aussi un objet de plaisir.

Cela se manifeste notamment par une multitude d'accessoires destinés à enjoliver le matériel (phénomène identique sur cette période pour les automobiles).

 

L'adjonction d'un side-car ou d'une remorque révèle aussi le rôle de substitut par défaut du scooter à l'automobile encore trop onéreuse.

Couverture d'un numéro de Scooter magazine

 

Du fait de cet intérêt porté au scooter, deux revues spécialisées sont apparues … puis, face au reflux, ont disparu:

  • «Le scooter» (1952-1958),

  • «Scooter-magazine» (1953-1959).

Scooter Viatka URSS
Vespa ? Non, Viatka

Durant cette décennie, la Vespa, leader incontesté, a essaimé sa production dans toute l'Europe de l'Ouest par le biais, comme en France, de fabrications sous licence. On a même vu apparaître une déclinaison sans licence en URSS, un plagiat à s'y méprendre et portant un nom de consonance approchante : la Viatka.

Vespa militaire (guerre d'Algérie)

Au salon de Paris en 1956 a été présentée une version militaire de la Vespa, une «Bazooka-Vespa» avec peinture de camouflage et canon sans recul dissociable et livré avec un trépied. 600 exemplaires seront livrés aux troupes aéroportées Françaises pour faire la guerre en Algérie.

En 1961, à l'approche de la signature des accords d'Evian (en mars 1962), ce marché disparaît.

En 1961, Terrot, Bernardet et Manhurin ont successivement déclaré forfait (de 1958 à 1960). Motobécane interrompra sa production en 1962 et Peugeot (apparemment mais je n'en ai pas acquis la certitude) en 1964.

 

Le scooter s'éclipse donc, laissant pour longtemps la suprématie aux autres types de deux roues. Ainsi, le Vélosolex atteindra-t'il son apogée en 1964 avec 380 000 exemplaires.

Publicité Vespa sur laquelle on voit un transistor

Rien n'y fait, même pas les placards publicitaires toujours aussi tentateurs de Vespa dont les dessinateurs associent le scooter et ses belles dames à d'autres objets de consommation qui atteindront leur apogée plus tard:

  • le poste de radio à transistor autour de 1968,

Publicité Vespa sur laquelle on voit une caravane
  • la caravane dont les ventes atteindront leur point culminant en 1979.

Pour les couples et particulièrement pour les couples avec enfants, la voiture, désormais moins inaccessible, constitue un choix plus approprié.

 

Vespa a ainsi proposé à la vente dès 1957 un véhicule à deux places avec un étroit espace derrière les sièges pour accueillir – au choix - deux très jeunes enfants … ou des bagages.

Vespa 400 dans laquelle on voit un enfant sur le siège arrière

Cette voiture devait être commercialisée en Italie mais Fiat, auquel Vespa est lié par ailleurs, s'y est opposé pour ne pas gêner la diffusion de sa Fiat 500, un rien plus accueillante.

La fabrication a donc été réalisée en France. Vespa n'a pas caché ses intentions en proposant aux possesseurs de scooters de la marque de reprendre leurs machines dans de bonnes conditions s'ils optent pour sa voiture. La Vespa 4 roues ne rencontre pas le succès de la Vespa 2 roues et sa production est interrompue en cette année 1961.

Messerschmitt avec 2 adultes et un jeune enfant à bord

D'autres voitures conçues sur le mode «deux places plus très peu d'espace» et pareillement équipées de moteurs deux temps avaient peu d'années auparavant connu le même sort: en Allemagne, l'originale Messerschmitt, tricycle en tandem dotée d'un toit relevable en forme de cockpit d'avion (1953-1959) et, dans plusieurs pays, l'Italienne Isetta fabriquée en France par Velam, toute aussi originale avec son unique porte avant et sa forme assimilée à un pot de yaourt (1955-1958).

Rétrospectivement, on comprend les raisons de ces formules sans suite: il n'y avait pas encore un marché pour la seconde voiture et les familles préféraient porter leur choix sur de petites 4 places (en France, la 2cv Citroën, la 4cv ou la Dauphine Renault) plus aptes à les véhiculer sur leurs lieux de vacances."

...

"Pour être complet, il convient de préciser que le marché des scooters utilitaires (à coffre et sur 3 roues) semble avoir été moins affecté par les aléas des modes.

Mais l'argument du charme n'est pas ici le plus déterminant ..."

Juillet 2016

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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