Service militaire

1966 Ma formation de guerrier

"Le service militaire était précédé d'une période d'observation qui avait pour objectifs de s'assurer de «l'aptitude au service» et - peut-être mais je n'en ai pas de preuve – d'orienter la recrue dans l'un des trois corps d'armée.

 

En référence à la durée de la période, on allait donc d'abord «faire ses trois jours»,durée de cette période d'observation, avant de «faire son temps», c'est à dire le service militaire qui durait alors 16 mois."

Conscrits en fête
Conscrits en fête

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"je suis affecté en Allemagne (un nouveau pays à découvrir …) dans le cadre de l’OTAN et dans l’armée de l’air, réputée la plus «libérale» des trois armées. Je suis de la classe 66/2, c’est-à-dire du deuxième contingent de l’année 1966 et, comme un contingent est mobilisé tous les deux mois, mes parents m’accompagnent donc à la gare de l’est dans les derniers jours de Février, direction Friedrichshafen au bord du lac de Constance.

 

Je pars sans enthousiasme mais je dois noter que dans les années soixante en province, le départ au service militaire constitue une occasion de réjouissance des «intéressés» (au moins d'une partie d'entre eux).

Rituel de tonte du soldat
Rituel de tonte du soldat

De Friedrichshafen, je ne verrai rien avant Avril car nous sommes tous consignés afin de «faire nos classes». Pour commencer, on nous tond comme des forçats et d’ailleurs le traitement qui nous est réservé s’apparente plus à celui de prisonnier sur décision de justice (tel que je peux l’imaginer, n’ayant heureusement pas cette expérience-là à mon actif) qu’à celui de citoyen se préparant à défendre son pays : à la tonte s’ajoutent l’enfermement, la promiscuité avec les autres captifs (ah! Les beautés du «creuset de la mixité sociale» vantés par certains politiques un demi-siècle plus tard …) et l’attitude constamment autoritaire et volontiers punitive des gradés …

Lesdites «classes» ne manquent pas de densité et de diversité mais cette diversité est faite de «matières» dont l’intérêt m’échappe :

  • Une part du temps est consacrée à nous inculquer des rites disciplinaires dont la valeur pratique en situation de combat reste à démontrer tels que la méthode pour faire un lit au carré ou la position des doigts sur le calot pour saluer les supérieurs (par définition toute forme un tant soit peu humaine revêtue d’un uniforme quand on est deuxième classe);
  • Une autre partie à des figures artistiques d’un goût contestable: chants choraux notamment à la gloire des parachutistes, les pieds cloués au sol dans des godillots cintrés de guêtres blanches en guise de petits chaussons de satin blanc;
  • Une «formation théorique» qui a une portion fort congrue et dont l’inspiration semble puisée directement dans le sketch de Fernand Raynaud sur le fut du canon. J'affirme que ce sketch qui peut paraître aujourd'hui caricatural et clownesque avait fort à voir avec la réalité;
  •  Une formation pratique enfin concentrée sur deux armes légères: un fusil et une mitrailleuse. Du fusil - vraisemblablement un MAS36 - qui avait dû faire les beaux jours – mais courts – de 1940, on apprend le maniement de la culasse et l’art de la mise en faisceaux, pratique qui a dû être bien utile durant la guerre de position en 14-18. Avec la mitrailleuse, c’est plus sérieux encore puisque la manipulation s’accompagne d’exercices de tir à balles réelles sur des cibles en papier à forme humaine. C’est d’autant plus sérieux que les machines pétaradantes (qui ont du «faire l’Algérie») ont une fâcheuse tendance à s’enrayer temporairement. Que l’apprenti soldat, s’interrogeant sur le caractère soudain silencieux de son engin, se retourne alors vers son sergent instructeur et il peut en découler instantanément une élévation des « pertes autorisées en temps de paix»."

Fernand Raynaud, très près de la réalité du service militaire dans les années soixante :

Et aussi, les derniers succès pour les comiques troupiers :

"Les jeunes qui sont affectés ici ne sont pas sursitaires. Ils n'ont donc pas fait d'études supérieures, lesquelles leur auraient permis de «faire leur temps» dans la coopération ou dans une affectation d'état-major. Le fameux "brassage social" - que l'on nous serine aujourd'hui comme un atout majeur du service militaire - est par conséquent on ne peut plus restreint."

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"Au terme de cette formation substantielle, me voilà fin prêt à affronter tout ennemi qui voudrait en découdre … et dans un premier temps à accomplir le service que l’on attend de moi en m’imprégnant de l’exemple donné par mes chefs pendant les quatorze mois qui me séparent d’un retour à la «vie civile».

 

Peut-être durant cette période aurai-je la chance – qui ne m’a pas encore été donnée – d’approcher un avion?"

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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