Souvenir touristique

2017 Calamité

Etal surmonté de "calamite"

" Ce titre trouve son origine dans un récent voyage en Sicile et dans les îles éoliennes: De nombreux étals d'objets-souvenirs y étaient en effet surmontés de ce qui pouvait apparaître à des Français comme un appel à se détourner au plus vite: calamité.

Pour être plus précis, la mention s'écrivait «calamite» sans accent, pluriel de «calamita» qui peut certes signifier calamité ou catastrophe mais qui a ici le sens d'aimant, de même que l'anglais «magnet» devenu chez nous magnette pour désigner un objet décoratif que l'on applique sur un support métallique, le plus souvent le réfrigérateur familial.

Cette production de magnettes montre que les fabricants savent s'adapter en créant de nouveaux objets : dans les années cinquante, il y avait, comme on l'a vu en introduction beaucoup moins de touristes mais surtout beaucoup moins de réfrigérateurs où apposer des magnettes.

Homme-sandwich

Autre nouveauté par rapport à la période d'après-guerre : le maillot porteur de message. Dans mon enfance à Paris, il était courant de rencontrer des hommes porteurs d'inscriptions publicitaires sur le ventre et sur le dos. Ils étaient rémunérés pour cela : on les appelait des hommes-sandwiches non pas parce qu'ils vantaient exclusivement les mérites de cette forme d'alimentation mais parce qu'ils étaient en quelque sorte pris en sandwiches entre les deux panneaux qui servaient de supports à leurs messages commerciaux.

 

La mode du maillot de corps à col rond est venue d'outre Atlantique (le “tee shirt”) et a été notamment portée par James Dean dans “la fureur de vivre” en 1955. Le maillot, blanc et immaculé à l'origine, a pris des couleurs et, porteur des noms de firmes ou de produits, il est devenu en quelque sorte un accessoire d'homme-sandwich bénévole.

 

Le marché du tourisme a également tiré parti de cette formule en commercialisant des maillots à la gloire de sites, de villes, de musées …, le touriste trouvant ainsi l'opportunité de s'afficher comme un visiteur privilégié de contrées lointaines et renommées.

Il a “fait” Palerme comme l'on fait un devoir de vacances et tient à ce que cela se sache (pas question par contre de risquer de friser le ridicule en arborant sur son maillot un ” I love Rémalard”).

Le comble du raffinement est atteint lorsqu'à l'exotisme du lieu s'ajoute la mention d'une université dont on peut supposer que le porteur est issu (maillot en vente partout dans le monde sur internet).

Le développement du tourisme culturel à également conduit à la commercialisation de produits dérivés (notamment statuettes, reproductions de peintures …) dans les boutiques de musées dont le franchissement est devenu obligatoire.

Ces nouveaux produits à l'usage des touristes s'ajoutent à ceux déjà présents dans les années cinquante (fanions, faïences, falbalas …).

Armée de manneken piss chinois

D'où viennent aujourd'hui tous ces objets ? Selon une enquête réalisée par Franceinfo, seuls 30% des souvenirs vendus dans les musées nationaux (en France) auraient une origine nationale, le reste provenant majoritairement de Chine. En ce qui concerne les commerces hors musées, en France également, ce pourcentage chuterait à 5%, voire 1% selon les sources. Même le manneken piss est naturalisé Chinois ...

On apprend également qu'afin de fournir l'illusion dune production locale, des contrats d'exclusivité seraient établis évitant de retrouver les même produits ailleurs.

Cependant, à examiner les étalages lors d'un “circuit culturel” en Sicile (à raison de deux voire trois lieux par jour pendant deux semaines), on constate une grande similitude des “calamités” et autres bricoles.

Nous sommes donc en présence, en France comme en Sicile, de produits supposés représenter la quintessence d'un pays, voire d'être issus d'un artisanat local qui sont très majoritairement fabriqués industriellement bien loin de nos contrées. Et l'expérience de voyages dans d'autres pays montre que l'on peut généraliser cette constatation au moins à l'Europe et aux États-Unis.

Dans un tel contexte, je ne peux que m'interroger sur l'origine réelle de ces souvenirs en lave sculptée que l'on trouve au pied du téléphérique de l'Etna. La lave en question ne provient-elle pas de l'un des dix volcans Chinois et ne retrouve-t'on pas une production similaire au pied des autres volcans de par le monde?

Et, quand bien même la lave serait-elle d'appellation contrôlée, quel rapport entre ces mignardises et les images que l'on garde de ces paysages grandioses et quelque peu inquiétants ?

 

Alors, les souvenirs touristiques, une calamité ?

 

Non, plutôt une futilité.

Chronique publiée en août 2017

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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