Thermalisme

2017 Cures du soir

"  L'établissement thermal de Gréoux les Bains, à l'extrême sud du département des Alpes de Haute Provence, a subi une évolution bien différente de celui de Cambo les Bains.

Selon Régis Bertrand, il ne bénéficie pas de «l'âge d'or du thermalisme français» que constitue le Second Empire et poursuit un fonctionnement discret jusqu'au milieu du 20ème siècle. Le climat est jugé trop chaud, peu propice à tirer parti des bienfaits d'une cure. L'établissement n'attire guère que 100 à 150 curistes par saison, des curistes provenant quasi-exclusivement de la région.

 

Les choses évoluent sensiblement après la deuxième guerre mondiale: de 500 en 1950 le nombre de curistes atteint 2000 en 1961.  

Thermes de Gréoux les Bains

Les recensements vont sensiblement s'élever après la reprise de l'établissement par la Chaîne Thermale du Soleil, laquelle rase bientôt l'ancien établissement qui n'avait semble t'il rien d'exceptionnel (rien à voir en tout cas avec la magnificence de Cambo) et qui était, dit-on, devenu vétuste faute d'entretien. Elle le remplace par un bâtiment moderne un peu plus bas dans le parc, bâtiment qui sera plus tard agrémenté de colonnes (pour évoquer l'origine lointaine de l'exploitation des eaux) tandis que l'hôtellerie sera déportée en divers lieux de la petite cité.

Le nombre de curistes grimpe à 4000 en 1965, à 8000 en 1970 et à 17000 en 1976.

 

Il atteindra 33700 en 2015, plaçant Gréoux au troisième rang des stations thermales françaises. Cette croissance exceptionnelle est sans doute liée à l'engouement naissant à partir des années soixante-dix pour l'arrière-pays provençal, un argument que ne manque pas d'utiliser la Chaîne Thermale dans ses messages publicitaires («le thermalisme du soleil au cœur de la Provence»).  "

Vue du chemin de randonnée entre Montfuron et Montjustin
Vue du chemin de randonnée entre Montfuron et Montjustin

" Toutefois, ici comme dans les autres établissements de la Chaîne, des efforts sont consentis pour étendre les prestations hors du champ de la couverture (partielle) assurée par la Sécurité Sociale que ce soit en incitant les curistes à participer à d'autres activités ou en attirant une clientèle en dehors de ce cadre imposé (et sans doute moins générateur de bénéfices).

 

Ainsi sont proposées des mini-cures ciblées visant notamment les accompagnateurs, des cures du soir pour les actifs locaux qui peuvent difficilement se rendre disponibles trois semaines d'affilée (pas à Gréoux mais dans six autres établissements de la chaîne).

Espace forme et détente Gréoux thermes

Il me semble même que les programmes intègrent aujourd'hui des prestations qui gravitaient plutôt à l'extérieur des établissements thermaux il y a dix ans tels que réflexologie plantaire, musicothérapie ou encore «sophro-relaxation en apesanteur», voire «application de plancton thermal».

 

La recherche d'une diversification de l'offre s'accompagne d'une volonté de «montée en gamme» pour reprendre une formule utilisée pour d'autres productions de biens et services. L'argumentaire s'éloigne alors quelque peu de la mise en valeur des bienfaits des eaux: «L'art de vivre, des espaces de soins sélects, tout de marbre blanc vêtus (sic), une cuisine délicieusement imaginée par un Grand Chef et une nature généreuse propre aux activités de plein air: VTT, sports d'eaux vives et oenotourisne».

Ainsi le «service premier» marque sa différence par rapport aux prestations assurées au curiste ordinaire relégué à un «service standard ». Le «service premier» qualifié de «cure VIP» se déroule «dans un lieu décoré dans un esprit SPA» (?). Un peu de lyrisme de gâchant rien, «veillé par la Déesse des Sources, le service premier ouvre grand sur la nature» en réservant «un accueil VIP avec un accompagnement personnalisé tout au long de votre cure», «peignoirs de luxe et linge douillet» en renfort.

 

Présentation du "service premier" à Gréoux les Bains,  3 minutes 30

Affiche conférence au casino

Internet s'inscrit dans cette tendance à l'élargissement du marché puisque, loin des établissements, il est désormais possible, moyennant cotisation, de bénéficier de conseils adaptés tant sur le plan de son activité physique que sur celui de son alimentation.

 

Pour autant, le «off thermal» ne reste pas inerte et l'on peut ainsi, par exemple, se laisser tenter par des conférences données au casino sur «sagesse et sérénité au quotidien» (laquelle sagesse ne va pas jusqu'à nous dispenser du poncif «au quotidien» dont l'omniprésence affecte ma sérénité) ou bien encore sur les «neuf clés de la confiance en soi», neuf clés permettant, entre autres, de «développer la joie de vivre».

Un «thérapeute en énergétique» propose ailleurs ses divers services allant du «coaching personnalisé» pour gérer son stress et ses émotions aux massages relaxants et autres «soins énergétiques».

Une spécialité dont il semble s'être assuré l'exclusivité (aucune trace sur internet) réside dans la «coupure de cordes», «un soin qui permet de se libérer des liens et attachements devenus inutiles voir (sic) toxiques, qui utilisent votre énergie, vous empêchent d'avancer et d'être dans votre vérité».

Dans ce village de Gréoux dont la population a triplé depuis 1946 et dont les 2700 habitants accueillent annuellement 15 fois plus de curistes, on imagine sans peine le séisme économique que créerait un retrait de la Sécurité Sociale. "

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Sauf catastrophe économique majeure au plan national, on imagine mal désormais que des responsables politiques prennent la décision de créer des îlots de récession majeure dans les 89 cités accueillant dans leurs établissements thermaux plus d'un demi-million d'adeptes par an, cités au premier rang desquelles Gréoux les Bains, profondément dépendante de cette activité.  "

Chronique publiée en juin 2017

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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