Baby-boomer
Télétravail
1980 Se faire bien voir
"Manager d'un service informatique depuis deux ans, je mesure chaque jour la difficulté d'évaluer le travail des personnes placées sous ma responsabilité.
Comment apprécier la difficulté et le temps nécessaire pour remettre en état ou pour modifier des programmes mal documentés et écrits dans un langage que je ne connais pas (l'assembleur)? Comment évaluer les risques de fonctionnement de certaines applications et juger de la nécessité de prévoir des astreintes à domicile dans les périodes critiques?
Je prends conscience alors de l'importance de la confiance plus ou moins grande que l'on croit pouvoir accorder selon l'attitude des personnes. Et je mesure aussi les limites – et même le danger – de faire reposer un jugement en accordant aux apparences une importance exagérée.
Se faire bien voir par son responsable, ce n'est pas exclusivement marquer une grande déférence - voire de l'obséquiosité – à son égard. C'est aussi faire en sorte de donner l'impression d'être très affairé, même si cela ne consiste qu'à faire des aller-retours à marche forcée en direction de la machine à café (plus tard, du local fumeurs).
Oui mais. Le manager que je suis ne tiendrait pas à se passer de ce moyen-là … Je vois là, aujourd'hui comme hier, le frein le plus puissant au développement du télétravail. Le télétravail n'est pas une solution de facilité pour le manager. Il lui impose un réel effort d'appréciation des tâches, d'organisation et une attention aux personnes qui ne se cantonne pas à l'examen de leurs attitudes.
Dans cette période, je suis confronté à deux questions touchant aux conditions de travail à distance. La première est suscitée par une demande de la Direction Générale qui souhaite identifier si des personnes handicapées ou ayant à charge des personnes handicapées ou dépendantes qui seraient intéressées à travailler au moins une partie de leur temps à domicile. L'épouse d'un de mes collaborateurs est une personne handicapée. Il serait intéressé par cette solution mais pose le problème des mètres carrés supplémentaires nécessaires (et qu'il me dit ne pas avoir) pour exercer son activité dans de bonnes conditions.
Ceci est un deuxième frein majeur au développement du télétravail. Les entreprises voient souvent dans le télétravail, aujourd'hui encore, un moyen de réduire leurs charges immobilières sans considération du report de charges sur leurs collaborateurs (espace mais aussi électricité, assurance …).
Je fais une autre expérience du télétravail avant l'heure lorsqu'une partie de mon équipe est installée en banlieue parisienne tandis que l'autre est auprès de moi en banlieue d'Orléans.
Mon entreprise a heureusement installé dans ses principaux lieux des salles de visioconférence. Cela n'a pas la légèreté des échanges que nous connaissons aujourd'hui: il faut réserver la salle, mettre en route le matériel avec sa caméra à plan fixe et large sur l'ensemble des participants, présenter un document impose un changement de caméra et une transmission quelque peu laborieuse.
Toutefois, cela a le mérite d'apprendre aux collaborateurs comme au manager à travailler à distance: nous sommes tous dans des locaux de l'entreprise mais avec des moyens techniques plus sophistiqués, nous pourrions tout aussi bien être n'importe où ailleurs ..."
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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