Vin

1950  Un litre, ça va ...

Publicité pour le vin Gévéor
Affiche d'Hervé Morvan 1954

" Le détournement du slogan «un verre, ça va ...» me semble assez bien caractériser l'opinion généralement partagée durant les années d'après-guerre.

 

La consommation moyenne des Français, qui avait atteint 170 litres par an avant la guerre, culmine encore à 150 au début des années cinquante. Le « vin de table », vin de consommation courante d'origine indéterminée, constitue l'essentiel de la consommation (90%) et les vins d'appellation contrôlée (AOC normée avant la guerre) représentent donc 6 millions d'hectolitres sur les 60 millions consommés annuellement.

 

Affiche espérance de vie plus longue pour un buveur de vin
Citation tronquée de Louis Pasteur L'affiche est sans doute antérieure aux années 50 mais l'état d'esprit n'a guère changé

Les vins de table, vins souvent coupés avec des vins en provenance d'Algérie au taux d'alcool plus élevé, sont portés par la publicité sous toutes ses formes. Ils ont pour nom Gévéor, Kiravi, Le vin des rochers («velours de l'estomac»), le vin du postillon, Préfontaines … Comme avant la guerre, Louis Pasteur est appelé à la rescousse pour affirmer le caractère quasi-médicamenteux du breuvage. Sur un dessin publicitaire, l' ingestion de Cointreau est même conseillée au conducteur prenant la route après un «bon repas» (donc déjà bien arrosé …).

 

Publicité pour Cointreau

Le vin est en effet l'attribut indispensable d'un «bon repas» et, si enfant j'y suis pas initié, je garde le souvenir jusque dans les années soixante en basse Normandie d'enfants soignés à l'«eau rougie» et aux «canards» (sucre imbibé de calvados) gratifiés de vertus fortifiantes et vermifuges.  "

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Gamin portant deux bouteilles de vin
Photo de Henri Cartier-Bresson

"  Dans mon arrondissement, le cinquième, Henri Cartier-Bresson prend à cette époque rue Mouffetard le cliché d'un enfant porteur de deux bouteilles à étoiles (bouteilles d'un litre consignées utilisées pour le vin de table). Ses parents n'ont pas vu malice à lui faire arborer sa cargaison sans même le doter d'un cabas.

 

Le vin, célébré par des chansons à boire du répertoire, inspire encore les chanteurs à la mode (quel chanteur au 21ème siècle entonnerait une ode au vin?). Ainsi en 1950, le roucoulant Luis Mariano glorifie le «plaisir divin du vin» (tralalala) tandis que Lina  Margy s'extasie «Ah le petit vin blanc», une chanson écrite en 1943 qu'elle interprétera encore en 1966.

 

Sur le site  des archives cinématographiques de la Région Centre Val de Loire, deux films muets réalisés par des amateurs attestent de la place du vin dans la vie quotidienne:

Farrebique : paysans autour d'une table avec bouteille et verres
Scène du film Farrebique

Dans son histoire sociale et culturelle du vin, Gilbert Garnier pointe la présence quotidienne du vin en milieu paysan et l'illustre par le film documentaire Farrebique tourné durant les quatre saisons juste après la guerre dans le Rouergue, par comparaison avec Biquefarre (autre lieu-dit proche de Farrebique) un film tourné en 1982-83  par le même auteur et avec les mêmes paysans, un film dans lequel la présence du vin est infiniment plus discrète.

Dans une autre chronique, j'avais noté qu'à Rémalard, dans le Perche, on comptait encore un débit de boisson pour 50 villageois en 1955, un ratio assez cohérent avec celui établi au plan national en 1910 de 1 pour 82 habitants quand on considère les nombreux hameaux dépourvus de commerces et dont les occupants se retrouvent chaque semaine au marché.

 

 

Dans le Loiret, on dénombrait 21000 hectares de vignes au milieu du 19ème siècle, il n'en subsistait en 1950 que 3079 pour 15063 déclarants, soit une superficie moyenne extrêmement faible. Aucune vigne ne bénéficiait d'une appellation distinctive.

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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