Baby-boomer
Vin
2015 Divin carton
Je crois pouvoir résumer ainsi les trois grands changements dans le domaine du vin en ce début du 21ème siècle:
- le premier changement intervient dans le domaine de la distribution: les grandes surfaces prennent une place prééminente en passant de 46% en 1990 à 85% en 2010. Conséquence ou pas: le conditionnement en cartons, qui avait stagné à ses débuts dans les années 80, prend une place grandissante au détriment du verre (la dive bouteille attaquée par le divin carton …)
- effet de la mondialisation et particulièrement de la place prise par la Chine: acquisition à des prix exorbitants de grands châteaux (particulièrement dans le Bordelais) et, plus modestement, des grands crûs qui s'exportent
- tentatives (largement couronnées de succès) de remise en cause de la loi Evin en reprenant les vieux arguments de défense du terroir et du patrimoine ainsi que les distinctions consommation modérée/ excessive et vin/autres alcools.
Examinons d'abord ce dernier point. Ainsi que l'écrit Bernard Hillemand dans son que sais-je sur l'alcoolisme, «la problématique purement quantitative avec son vocabulaire de consommation modérée, d'excès, d'abus a une connotation moralisatrice» Or , écrit-il aussi «on peut être un grand alcoolodépendant sans avoir jamais été ivre» et «il n'existe pas de consommation maximale au-dessous de laquelle l'alcool serait sans nocivité».
Pourtant, depuis le 8 août 1996, un décret autorise de nouveau l'exploitation de débits de boissons alcoolisées en milieu sportif.
En 2014, une campagne organisée par les professionnels du vin revendique un «droit d'information» et en 2015 un vote des parlementaires contraire à la position du Ministre de la Santé et des addictologues accorde ce «droit». Claude Evin déclare «la loi a perdu de sa force sur le volet alcool» (nul n'ignore que cette loi comportait aussi un volet tabac).
Cependant, ce travail de sape se poursuivra avec le dépôt d'une proposition de loi autorisant la publicité pour le vin à la télévision avec le sempiternel argument consistant à distinguer le vin des autres boissons alcooliques.
Le 14 décembre 1875, à trois mois des élections législatives qu'ils craignaient de perdre, des députés avaient dispensé les bouilleurs de crû de toute déclaration et de tout contrôle ...
Données chiffrées sur l'évolution des consommations d'alcool (cliquer sur les images pour les rendre lisibles) :
Un autre changement est lié aux effets de la mondialisation: les grands crus, et particulièrement les vins de Bordeaux, sont très appréciés des Chinois, lesquels ont commencé à acquérir des grands châteaux à prix d'or parfois pour en faire profiter prioritairement leurs compatriotes.
Selon Isabelle Saporta, le prix des vignes entre 1990 et 2010 a été multiplié par 3 en moyenne et par 10 pour les exploitations les plus prestigieuses.
Après avoir accueilli une bonne part de notre production (industrielle, vestimentaire …), les Chinois nous priveront-ils de nos joyaux liquides. Voici qui devrait inciter à la réflexion nos zélateurs cocardiers du vin, soucieux de notre terroir et de notre patrimoine...
Le troisième changement concerne le conditionnement du vin. Apparu en 1984, le carton de vin a d'abord été considéré comme réservé à un vin de consommation courante pour ne pas dire un vin médiocre.
Depuis quelques années, des vins d'appellation contrôlée ont été ainsi conditionnés.
Le BIB («bag in box») a désormais la cote pour les vins cotés. Plus d'un tiers de la production viticole est empaquetée.
Fini le vin bouchonné ...
Dans le Loiret, les crus «Orléans» et «Orléans-Cléry» avaient été reconnus VDQS puis AOC en 2006 mais il ne restait plus en 2008 que de l'ordre de 50 déclarants (300 fois moins qu'en 1950) pour moins de 150 hectares (26 fois moins qu'en 1950).
Chronique publiée en deux parties en octobre et novembre 2017
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien