Vélosolex

1958 La bécane

Un curé à vélosolex sur la couverture de cet ouvrage de référence
Un curé à vélosolex sur la couverture de cet ouvrage de référence

"Le vélosolex a trouvé sa clientèle historique dans les professions effectuant des trajets limités et n'ayant pas de lourdes charges à transporter, les facteurs et les curés au premier rang de celles-ci.

Les ecclésiastiques étaient statistiquement plus jeunes, ils étaient beaucoup plus nombreux et couvraient par conséquent des territoires plus petits, toutes conditions favorables à la diffusion de la «bicyclette à moteur de secours». De plus, sa couleur noire s'accordait à celle de la soutane (que tous portaient) et le cadre en col de cygne permettait à celle-ci de se répandre sans entrave.

L’aumônier qui dispensait le catéchisme au sein de mon lycée parisien était lui aussi pourvu d'un vélosolex. C'était un trentenaire rondelet et la conjonction de ce corps saint nonobstant gidouillard avec l'ossature efflanquée de sa monture composait un étrange attelage propre à susciter la moquerie. Comme j'étais – déjà – peu réceptif à la dialectique des représentants de croyances et friand de jeux de mots, fussent-ils piètres, je l'avais affublé du surnom tout trouvé de «la bécane».

Dès que le sobriquet parvint à ses oreilles et que son narquois auteur fut identifié, l'homme d'église enfourcha aussi prestement qu'il le pouvait son infortunée monture pour se plaindre à mes parents et les menacer de me priver de rites (en l'occurrence de la communion solennelle)."

"Fermons cette parenthèse personnelle pour revenir aux clients du vélosolex. Selon mon souvenir, la pénétration du vélosolex chez les ouvriers était moins nette: ceux-ci portaient plutôt leur choix sur des cyclomoteurs «classiques», plus rapides et à peine plus chers.

Rapidement après son apparition, le vélosolex avait été commercialisé dans «nos colonies». L'inventaire des points de distribution compose une carte évocatrice de «la France d'outre-mer» de l'après-guerre. Outre des localités d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, on y trouve les noms de Brazzaville, Dakar, Douala, Saint-Denis de la Réunion, Pointe à Pitre, Hanoï, Phnom-Penh, Saïgon et Papeete.

Par le biais de constructeurs sous licence et d'importateurs, le vélosolex est progressivement distribué dans 57 pays.

La production grimpe rapidement: elle passe de quelques milliers en 1946 à 25000 unités en 1948, 36000 en 1949."

Usine Vélosolex de Courbevoie

"Il est intéressant de découvrir le modèle de production exclusivement Français de l'époque tant il contraste avec la situation industrielle que nous connaissons au vingt et unième siècle.

Solex fait d'abord construire une usine dédiée à Courbevoie,commune proche de Paris qui appartient alors au département de la Seine (aujourd'hui Hauts de Seine). A l'approche des années soixante, les vélosolex proviennent de cinq usines Françaises (à Courbevoie, Arras et Tours) et utilisent des composants réalisés par des sous-traitants installés dans neuf villes réparties sur l'ensemble de l'hexagone: Chartres (Eure et Loir), Bar sur Aube (Aube), Sury le Comtal (Loire), Laval (Mayenne), Aubin (Aveyron), La Flèche (Sarthe), Noyon (Oise), Lyon (Rhône), Le Perreux (Seine, aujourd'hui Val de Marne).

Quatorze sites industriels répartis sur treize départements Français différents pour constituer un produit réputé rustique et exporté dans une kyrielle de pays ! "

Stand Vélosolex à Mayenne

"Très présent en France par ses sites de production, le vélosolex l'est également par son réseau dédié de station-services. Le vélosolex s'expose en outre dans les foires et marchés. Ainsi,dans un petit film muet réalisé en septembre 1954 à l'occasion de la braderie de Mayenne, on peut découvrir son stand non loin de l'exposition des modèles Aronde Simca."

"Doté de son propre réseau commercial et technique, le vélosolex dispose aussi de son carburant spécifique: la solexine, un mélange dosé par le pétrolier BP pour retarder l'inévitable calaminage du moteur, un savant dosage qui bénéficie d'une publicité particulière.

L'effort publicitaire de Solex vise à se démarquer de la concurrence («Vélosolex le vrai») car, après-guerre, d'autres firmes construisent encore des modèles basés sur le principe du cyclotracteur de 1913."

Pub Le vrai Vélosolex

"Le fabricant ambitionne également de transformer un incontestable handicap de performance en un argument de vente:

  • la vitesse limitée à trente kilomètres/heure devient un gage de sécurité routière,
Pub sécurité
  • le slogan «la bicyclette qui roule toute seule» établit une comparaison avantageuse avec le vélo en évitant celle, qui l'aurait été moins, avec d'autres cyclomoteurs."

"Mais la publicité est assurée plus encore par la présence du vélosolex dans des longs métrages et notamment:

  • avec la première apparition de Brigitte Bardot chevauchant le «terrible engin» en 1952 dans le film «Le trou normand»,
  • et surtout, en cette année 1958, avec la sortie du film de Jacques Tati «Mon oncle», film dans lequel le vélosolex devient un symbole de liberté et d'anticonformisme (cf. le vélosolex de l'oncle hors norme stationné sur l'emplacement de parking réservé au directeur).

En 1963, le vélosolex conforterait sa notoriété en partageant avec «Janique aimée» la tête d'affiche d'un des premiers feuilletons télévisés."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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