"     Un peu d'histoire pour expliquer d’où vient le roman national et ce qu'il recouvre avant d'entrer dans la «période baby-boomer» qui nous concerne ici.

A la fin du 19ème siècle, l'école primaire, devenue obligatoire en 1882, se donne pour mission de transformer les enfants provenant de différentes régions et identités encore marquées en citoyens français.

L'enseignement de l'histoire à l'école doit servir à démontrer la grandeur et l'unité de la France et à exhorter un patriotisme alors bien nécessaire après la chute de la France en 1870. L'appellation «roman national» est utilisée pour la première fois par le duo d'écrivains alsaciens Erckmann-Chatrian pour leur ouvrage «Le fou Yégof» qui prend la nation comme personnage principal.

Origine du roman national, heterodote, 4 2 2021, texte et illustrations

Nous retiendrons ici la définition qu'en donne l'historien Nicolas Offenstadt: «Grande fresque qui valorise les hommes célèbres et les événements considérés comme fondateurs de la France».

A la construction de ce récit patriotique est associé le nom de l'historien Ernest Lavisse dont les ouvrages scolaires couvrent tout le premier cycle jusqu'au Certificat d’Études Primaires. En guise d'introduction de ces ouvrages, un commandement de l'auteur: «Tu dois aimer la France parce que la nature l'a faite belle et parce que l'histoire l'a faite grande».

Ernest Lavisse, le père du roman national à la gloire de la IIIème République, France Culture, 22 8 2022, 4 minutes 20

Commencée à la fin du 19ème siècle, la diffusion dans les écoles des ouvrages d'Ernest Lavisse et de ses disciples se poursuivra jusqu'aux années 60 du siècle suivant.

Le rôle du manuel dans la leçon d’histoire à l’école primaire (1870-1969), histoire de l'éducation, 2007, texte

Ernest Lavisse, "l'instituteur national", FR3 Hauts de France-France culture, 22 9 2022, 4 minutes 40

Le 9 août 1936, Jean Zay, Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse de la France, fait porter à 14 ans révolus l'âge de l'école obligatoire. Cette école-là va longtemps encore demeurer la seule opportunité de formation générale des Français puisqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, seulement 6,5% des enfants accèdent à la sixième des lycées et collèges. Ce pourcentage augmentera sensiblement après la guerre mais il n'atteindra encore que 25% dans les années 60.

Avatar de la primauté du politique dans l'enseignement de l'histoire, Jean Combes rapporte que durant la période de collaboration avec les nazis «les messages du maréchal sont étudiés par l'ensemble des écoles primaires et plus particulièrement des écoles privées». Cela n'est pas sans intérêt car mes maîtres et maîtresses (comme l'on disait alors) ont toutes et tous atteint ou dépassé la quarantaine (à une exception prés): ils étaient donc en fonction sous le mauvais «État français»: se sont-ils pliés à cette directive et, si oui, quelles dissertations ont-ils bien pu développer sur des pensées aussi faiblardes?

Faut-il voir là la raison pour laquelle l'histoire à la mode de Lavisse qu'ils m'ont inculquée une dizaine d'années plus tard s'est interrompue après la première guerre mondiale ?