Cirque

1952 La piste aux étoiles

Une matinée au cirque Médrano

 

" La bâtisse cache bien son jeu. Vieillotte et peu reluisante, elle ne laisse rien augurer de la profusion de lumières et de couleurs qu'elle réserve à l'intérieur. Le hall fuligineux respire la morosité; pourtant j'observe que le prix des places affiché au-dessus de la caisse est incommensurablement plus élevé que celui des places les plus huppées du cinéma Jeanne d'Arc.


Dans la salle, nous sommes bien placés, presque face à l'entrée des artistes. Juste au-dessus, les musiciens de l'orchestre font déjà des gammes. L'assistance est composée d'enfants de mon âge ou un peu plus âgés qu'accompagnent leurs parents ou grands-parents.


Du spectacle lui-même je ne saurais reconstituer le détail et la chronologie. Tous les numéros m'apparaissent extraordinaires en ce sens que les adultes s'y livrent à des activités qu'on interdit aux enfants et qu'ils exécutent ces numéros avec brio : jongler avec la vaisselle, se tenir en équilibre à plusieurs mètres du sol, se déguiser alors que ce n'est pas Mardi gras et « faire des bêtises» ...


Les animaux sont transfigurés : les fauves que je vois d'ordinaire menaçants tourner dans leurs cages du Jardin des Plantes obéissent ici comme de vulgaires pékinois aux injonctions d'un dompteur en petite tenue qui les fait asseoir en rond sur des tabourets, lequel apparaît de ce fait infiniment plus redoutable avec son fouet que sa petite ménagerie docile.

Les chevaux, que je ne connais guère que dans leurs rôles de tracteurs de carrioles et de charrettes avançant à un rythme de sénateurs, se lancent à toute allure dans une ronde folle juste à la périphérie de la piste, si près de nous que nous sentons le remous de l'air à leur passage." 

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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