Richesse

"La plupart du temps, mes chroniques sont issues de l'évocation d'un souvenir plus ou moins lointain que je m'efforce de confronter à ce qui est advenu depuis lors.

A l’inverse, cette chronique résulte d'informations diffusées en février 2015 sur l'état de richesses personnelles qui ont suscité un certain effarement de ma part et m'ont conduit à remonter le temps pour tenter de comprendre comment l'on en était arrivé là.

Le 7 de ce mois de février, les média annonçaient des résultats de tractations ahurissants :

  • une Ferrari de 1961 dans un état pas vraiment resplendissant venait d'être emportée on ne sait où pour 14,2 millions d'euros,

  • une toile de Gauguin avait été acquise par un Qatari 300 millions de dollars soit 264 millions d'euros.

A de telles altitudes financières, il n'est pas superflu d'opérer une traduction en d'autres unités de valeurs plus compréhensibles. Celle que j'ai retenue se situe aussi à un sommet, celui de l’État: les émoluments annuels du Président de la République fixés à environ 180 000 euros. Les résultats de cette conversion sont les suivants:

  • la Ferrari représente 78 années d'activités du Président (plus de 15 quinquennats!),

  • la toile de Gauguin 1467 années (un Président en fonction depuis le début du Moyen Age!).

Grotesque: «Qui prête à rire par son côté invraisemblable, excentrique ou extravagant».

Un examen plus attentif de ces enchères ajoute au vertige de leurs résultats.

La Ferrari est proposée aux enchères 6 millions d'euros soit l'équivalent d'une écurie de 24 modèles de la marque sortant aujourd'hui des usines de Maranello, ou, si l'on préfère, de 120 voitures de notre Président.

En vingt secondes, la mise est doublée par des enchères de un million d'euros supplémentaires à chaque fois. Ensuite, on progresse plus «modestement» par incrémentations de demi-millions jusqu'à atteindre 14 millions et le gagnant l'emporte par une dernière misère de 200 000 euros.

En fait, l'affaire conclue lui coûtera un peu plus car il devra s'acquitter de «frais» qui porteront la vente à 16 300 000 euros (deux quinquennats de plus de notre Président).

Et cette tractation apparaît bien chiche comparée à celle qui a présidé en Suisse à l'achat de la toile «Quand te maries-tu?» de Paul Gauguin pour un montant 16 fois plus élevé.

En mars 1987, la vente d'un tableau de Van Gogh de la série «Les tournesols» avait défrayé la chronique en atteignant le fabuleux montant de 40,8 millions de nos euros actuels («Jamais le monde de l'art n'avait connu un tel prix»). L'affaire avait fait grand bruit et inspiré une chanson à Jean Ferrat. 28 ans plus tard, un montant sept fois plus élevé passe quasiment inaperçu.

Cela résulte sans doute du fait que, en ce début d'année 2015, les affaires se comptant en millions d'euros, voire en dizaines ou en centaines, sont devenues, si j'ose dire, monnaie courante pour un groupuscule.

Sans nulle prétention à mener une analyse d'économiste, j'ai souhaité remonter le temps afin d'apprécier ce qui différencie l'ultra-richesse d'aujourd'hui de celle des décennies précédentes. J'évoquerai les années 50 puis les années 80 avant d'examiner les autres événements de février qui m'ont incité à traiter de ce sujet.

Pour disposer de comparaisons intelligibles, je transposerai en euros au cours en vigueur aujourd'hui tous les montants qu'ils soient exprimés en dollars, en francs anciens ou nouveaux."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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