Bamboche

1993 Dandinements et ahanements

Des "danseurs" techno se dandinant

"   Avec les années 90 émerge une nouvelle forme de bamboche, une forme disruptive dans la mesure où elle n'existe que par la diffusion de ce que l'on nomme une musique techno.

Quelques mots tout d'abord des origines de cette musique dont j'ignorais tout avant de rédiger cette chronique. Ils sont issus de la consultation des ouvrages figurant dans la bibliographie.

 

La musique dite techno ou rave naît à Détroit au milieu des années 80 et se répand ensuite en Europe, une musique que Claude Fouillen qualifie de  répétitive, tonitruante et synthétique» .

La musique synthétique, ainsi qualifiée parce que faisant usage de synthétiseurs est apparue dans les années 50 avec en France des compositeurs comme Pierre Schaeffer et Pierre Henry.

La musique répétitive se développe aux Etats-Unis dans les années suivantes tandis que la tonitruance, ajoutée aux deux précédents qualificatifs caractérise cette musique dite techno.

Cette bamboche disruptive par son lien obligé avec la musique techno l'est également du fait qu'elle est souvent invasive tant par l'occupation de lieux privés que par le bruit imposé alentour et qu'elle est associée à la consommation de drogues.

Dans son histoire de la techno, Jon Savage, journaliste rock britannique, avance en 1993 une explication à l'entichement d'une partie des Européens à cette forme de musique à laquelle, on l'aura compris, je demeure insensible voire même rétif, que je sois encore jeune hier ou plus du tout aujourd'hui : «L'Angleterre a perdu l'essentiel de ses industries lourdes, mais ses enfants, en quête à la fois de divertissement et de transcendance, simulent l'expérience passée».

 

Où est le rapport entre musique techno naissante et industrie lourde moribonde en Europe ? Des jeunes voudraient ils, aux fins de se divertir, supporter le niveau de décibels imposé aux anciens de la sidérurgie?

 

 

Dans notre pays, la première trace de reportage à ce sujet figurant sur le site de l'INA émane de l'antenne Paris-Ile de France. Cela se passe le 19 avril 1993 dans un entrepôt de Saint-Ouen, commune limitrophe de Paris.

Musique rave à l'entrepôt de Saint-Ouen, 12/13 Paris Ile de France, 19 4 1993, 2min 20s 

Beaucoup d'autres reportages du même ordre donnent à voir en majorité des jeunes de 15 à 30 ans dans lesquels est souvent évoquée la consommation de drogues.

Rave Party et consommation de drogues, FR3 Marseille, 28 4 1994, 3min

Rave party sauvage sur le campus de Kerlann, JT Rennes midi, 02 déc. 2000 2min 20s

 

 Avec la pérennisation de la «déferlante techno», un marché plus licite s'organise (vêtements, informatique, éclairages …)

Musique: la déferlante techno (et le commerce associé), F2 Le Journal 20H, 13 11 1996, 2min 50s

Cependant, tous les jeunes n'adhèrent pas. Ainsi par exemple, Marie Drucker, jeune journaliste de 24 ans, évoque une «musique catastrophique» dont elle se moque.

Chronique de Marie Drucker et Sylvie Hazelbrouck, Rince ta baignoire, 3 10 1998, 1min 30

 

Une trentaine d'années plus tôt ...

Néanmoins, les dandinements ne constituent pas l'apanage des jeunes des années 90. Au début des années 60, le twist, alors qualifié d'épidémie, voyait déjà des jeunes se trémousser sur des musiques (et paroles) insipides, moins entêtantes tout de même.

Un rythme peut-être, une épidémie : le twist, Les Actualités Françaises, 11 10 1961, 1min 50

 

Des différences les prémunissaient cependant de l'avanie d'être assimilés à des bambocheurs:

  • leurs tenues étaient très civiles, coiffures montées en choucroutes pour les femmes, costumes et cravates pour les hommes,

  • le ridicule des dandinements touchait aussi des personnes que l'on disait pourtant plus mûres (des cours de twist leur étaient même destinés),

  • les rassemblements n'étaient pas sauvages et la sonorisation tonitruante ne se propageait pas à des kilomètres à la ronde,

  • la drogue n'était pas systématiquement associée à ces rassemblements (cela deviendra néanmoins le cas dans certains grands rassemblements en plein air à partir de la fin des années 60).

 

Alors que naît dans les années 90 cette forme de bamboche sauvageonne, la bamboche pépère que l'on a connue dans les années 50-60 se fait plus rare et retenue. Sans doute l'oubli ou l'ignorance pour les plus jeunes de la décennie 40 faite de pénuries et de restrictions y est-elle pour quelque chose.

 

Ainsi, les débridements sont très relatifs dans ces tablées bien ordonnées d'associations avec

spectacles de cabarets agrémentés de danseuses fort peu dévêtues.

 

.   "

Soirée cabaret à Saint Aignan sur Cher (Région Centre-Val de Loire), film CICLIC, 1998, 3 min 30

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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