"   A Paris où je passe l'essentiel des années d'enfance, le facteur n'est un interlocuteur familier que pour la concierge, laquelle dispose de casiers dans sa loge et assure la distribution ultime du courrier une fois par jour. La seule image que je conserve en mémoire est celle de facteurs poussant des chariots à l'image d'une photographie de 1938 conservée sur le site «Paris en images». Sans doute en va t'il de même dans toutes les grandes cités.

Au Locheur, hameau de 200 habitants à l'écart des grands axes non loin de Caen, il n'y a pas de bureau de poste, juste une cabine téléphonique à l'épicerie-café-bien d'autres choses. La factrice, copieusement nantie de lettres et de colis, vient à vélo d'un village plus important à cinq kilomètres de là. Ne savait-elle pas conduire ou bien le responsable de la poste avait-il considéré qu'une tournée non motorisée était encore supportable par cette femme d'une cinquantaine d'années? Toujours est-il qu'elle n'avait pas eu droit à l'une des 2CV Citroën fourgonnette verte qui constituaient l'essentiel du parc automobile rural (selon ma mémoire, à Paris, c'étaient plutôt des Juva 4 Renault).

Je n'ai pas gardé le souvenir de facteurs équipés de vélomoteurs. Quant aux attelages de chiens, régulièrement contestés depuis leur création au 18ème siècle, ils avaient été proscrits dès la fin de la deuxième guerre mondiale.

A noter au passage que les factrices étaient alors assez rares car, leur entrée dans la profession ne datait que de la guerre 14-18 (les hommes avaient alors changé d'uniformes...) puis n'avaient été admises que les veuves de guerre, condition d'embauche qui perdurera étrangement jusqu'en 1975.

Document La Poste sur l'histoire du courrier (présentation 10 pages, recrutement des factrices page 6)

La proximité des facteurs avec les villageois était bien exprimée par la chanson de Bourvil (1954) «Tiens, voilà l'facteur» qui débutait ainsi: «Dans chaque village, on connaît l'facteur; c'est un personnage qu'on porte dans son cœur».

Tiens voila le facteur, 7 minutes 30, Bouvil chante 4 minutes 30 après le début, RTF, 22 12 1954

Le film de Jacques Tati «Jour de fête» (1949) dans lequel l'auteur interprétait le rôle d'un facteur fantasque et virevoltant participant à la fête d'un village et se moquant d'une poste américaine fantasmée donnait également une image d'un monde rural qui avait encore peu évolué.  "

Jour de fête bande-annonce originale du film de et avec Jacques Tati, 1949, 2 minutes 30