Espérance de vie

2014 Espérance de vitalité

"Selon Maurice Tubiana, le taux de pauvreté a été divisé par cinq de 1970 à 2000. Alors que l'espérance de vie continuait à croître, l'âge de la retraite a été ramené à 60 ans en 1982 pour les travailleurs relevant du régime général dans le secteur privé. Le développement de «plans sociaux» accompagnés de pré-retraites a conduit à un abaissement sensible du taux d'activité entre 60 et 64 ans, lequel a chuté pour les hommes de 65,7% en 1971 à 16,3% en 1995.

Les vieillards nécessiteux se sont raréfiés, cédant la place à des «seniors» aux revenus convoités par un marché du «troisième âge».

Ainsi donc, les baby-boomers, dont la naissance avait été, selon Simone de Beauvoir, encouragée par le niveau des prestations sociales, bénéficient plus tôt de pensions de retraite plus avantageuses que leurs aînés. Cependant, ce tableau, enviable, très différent de celui de 1970, doit être nuancé:

  • les retraités bien traités d'aujourd'hui ont hier cotisé et ne peuvent donc pas être taxés de privilégiés (contrairement à certaines thèses récemment développées),

Manifeste contre les baby-boomers, Les Echos, 29 08 2013

 

  • tous ne roulent pas sur l'or.

Revalorisation des retraites modestes, Les Echos, 24 04 2014

 

Selon Wikipedia, l'espérance de vie des hommes atteint désormais 78,7 ans et celle des femmes 85 ans, soit une dizaine d'années de hausse en un demi-siècle.

Espérance de vie par départements
Espérance de vie par départements

Des retraités profitant longtemps d'une retraite leur permettant de vivre décemment, l'amélioration du sort des Français est indéniable. Plusieurs éléments conduisent néanmoins à pondérer ce jugement:

  • ces moyennes masquent des différences selon les métiers (plus ou moins «usants»), selon la situation sociale (les SDF s sont loin d'atteindre ces scores), selon les régions (le Nord mal placé), selon l'hygiène de vie (alcool, tabac, drogue) et bien entendu en fonction d'inégalités inter-individuelles;
  • alors que la durée de vie moyenne s'est allongée et que l'on a rayé du vocabulaire les termes jugés désobligeants de vieillards et de vieux, l'«espérance de vie professionnelle» s'est raccourcie, le terme de senior étant désormais attribué 10 ans voire 15 ans avant l'âge de la retraite. Les «seniors actifs» ont du mal à le rester (actifs) et doivent parfois accepter d'être sous-utilisés parce que déjà touchés par une limite d'âge indicible;
  • en 1970, la situation de santé n'était pas bonne mais s'améliorait. Bien meilleure aujourd'hui, elle tend à se dégrader du fait notamment de l'augmentation des cancers, du diabète, du sur poids et de l'obésité, des allergies ainsi que de l’apparition de nouvelles maladies infectieuses .Pour autant, l'espérance de vie continue d'augmenter du fait des progrès de la médecine et d'une déontologie médicale attachant une importance prépondérante au «respect de la vie», quelles que soient les conditions de cette existence prolongée.

L'illusion de l'espérance d'une belle et longue vie pour tous est entretenue par la médiatisation de centenaires illustres poursuivant des activités avec une aisance à rendre jaloux des jeunots.

Au nombre de ces heureux élus gratifiés d'une vitalité tardivement prolongée:

  • Germaine Tillon, ethnologue et résistante, disparue à 101 ans en 2008,
  • Oscar Niemayer, architecte, disparu à 105 ans en 2012,
  • Manoel de Oliveira, réalisateur de cinéma poursuivant son œuvre à 108 ans,
  • Robert Marchand, cycliste parcourant à 102 ans une centaine de kilomètres à la moyenne de 23 km/h,
  • Gisèle Casadesus qui vient d'avoir cent ans et continue une carrière de comédienne commencée en 1934.

Les médias s'intéressent moins à tous les autres qui, souvent bien avant cent ans, perdent définitivement leurs capacités essentielles, plus ou moins conscients de l'humiliation d'une fin de vie minable et interminable.

La notion d'«espérance de vie en bonne santé» ou sans incapacité est supposée rendre compte de l'écart qui se creuse avec la durée de vie et, de ce fait, du pourcentage croissant de vie en condition dégradée, voire sensiblement dégradée.

Seulement, les âges déterminés (61,9 ans pour les hommes et 63,5 ans pour les femmes) correspondent manifestement à la limite d'une pleine santé et non pas à la dégradation profonde des facultés, laquelle pourra survenir plus tard.

Amphithéatre avec assistance troisième age
Université du temps libre

Des syndicats se sont emparés de ces chiffres pour contester les réformes visant à repousser l'âge de la retraite, ce qui n'est guère franc-jeu. Il suffit d'observer l'activité des retraités notamment dans des associations et dans les universités du temps libre pour s'en convaincre.

Il manque manifestement un indicateur qui rende compte des incapacités affectant les activités de la vie quotidienne telles que définies par l'Organisation Mondiale de la Santé: se vêtir, manger, prendre une douche, faire ses comptes.

La graduation entre la pleine possession de tous ses moyens et l'incapacité avérée qui caractérise une situation de dépendance est différente - et ressentie différemment - selon les personnes, selon la souffrance, physiologique ou psychologique, associée à cette perte de vitalité progressive.

La question d' «en finir» sans attendre la mort «naturelle» devrait donc pouvoir être légitimement adressée lorsqu'une personne juge préférable de mettre un terme à une situation qu'elle juge proprement invivable.

En France, le suicide médicalement assisté n'est pas encore entré dans les mœurs contrairement à des pays voisins (Suisse, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) qui ont commencé à légiférer. L'allongement de la durée de vie en mauvaise santé puis avec des incapacités devrait logiquement conduire à s'interroger sur cette lacune.

Hier, les vieux avaient souvent, on l'a vu, une fin de vie misérable économiquement. L'inquiétude serait plutôt aujourd'hui celle d'une fin de vie misérable humainement."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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