Variant

1955 Variants à quatre pattes

"   Le coronavirus n'a pas l'exclusivité des variants et l'examen des années qui précédent et qui suivent l'apparition du modèle le plus répandu en France, la 4CV Renault, familièrement surnommée la quatre pattes, permet à la fois de l'illustrer et de mettre en lumière quelques similitudes avec les redoutables variants qui nous inquiètent aujourd'hui.

 

La 4CV Renault prend naissance pendant la guerre dans la clandestinité à l'initiative de deux ingénieurs français.

 

L'histoire de l'automobile : la Renault 4CV, une voiture résistante, FranceInfo, 30/09/2016, 2 minutes

 

Les prototypes initiaux s'inspirent à l'évidence de la coccinelle de Volkswagen:

  •  motorisation tout à l'arrière, architecture peu répandue jusqu'alors,
  • mufle renflé à l'avant qui est dépourvu de toute calandre,

  • deux portes pour quatre places, formule qui était plutôt réservée en France aux voitures dites «de sport», ce qui n'est la vocation ni de l'allemande ni de la française (la vue de côté est à cet égard démonstrative des similitudes d'allure et de proportions entre les deux voitures).

 

J'oserai donc dire que la française clandestine est à ce stade un variant de sa jeune aînée mal née.

 

A sa première apparition publique en octobre 1946, la voiture a sensiblement évolué:

  • elle est dotée de 4 portes. L'histoire veut que cela ait répondu à une demande de Pierre Lefaucheux, dirigeant de ce qui est devenu la régie nationale des usines Renault, homme de grande taille ayant éprouvé des difficultés à s'extirper des places arrières du prototype,

  • l'avant est paré d'une calandre symbolique (le moteur étant resté à l'arrière) constituée par six fines moustaches chromées.

  • Elle a troqué le gris souris pour un jaune sable bien plus gai mais qui résulte en fait d'une pénurie ayant contraint à utiliser des stocks de peinture militaire aux fins de camouflage dans le désert. Cela lui vaut un temps le surnom de motte de beurre.

La version commercialisée à partir de 1947 abandonne cette couleur audacieuse (en dehors du désert …), se prévaut du qualificatif luxe et en affiche les signes extérieurs (pneus à flancs blancs et profusion de chromes). Une version grand luxe découvrable figure également au catalogue. Et pour la 4CV comme pour les autres voitures commercialisées, des accessoiristes proposent de compléter la parure. Même petite et modeste, la possession d'une voiture est un luxe inaccessible à beaucoup.

 

Mais, dès 1948, Renault gonfle le moteur avec un variant R1063 et entre dans la compétition de rallyes, Monte-Carlo notamment. La petite voiture à la tenue de route aléatoire se transforme dans les mains de pilotes avertis en bolide affrontant avec succès des lacets enneigés …

A partir de 1951, alors que la 2CV Citroën, résolument dépouillée, commence à concurrencer nos 4CV de luxe et de grand luxe, un variant sans chrome est proposé: la 4CV Affaires. Poussant plus loin le bouchon dans l'austérité, la 4CV Service apparaît fin 1952: une 4CV qui se distingue notamment par un habitacle intégralement tôlé dépourvu de tapis de sol et de ciel de toit. Un contre-emploi complet par rapport aux velléités luxueuses des versions initiales. Ce variant-là ne trouve pas d'acheteurs et il disparaît du catalogue quelques mois plus tard. Seule subsiste dans ce créneau la version affaires plus raisonnablement sobre.

 

Un variant «commerciale» est également tenté avec des portes arrières tôlées mais, avec le moteur à l'arrière, le seul espace disponible à des fins commerciales est celui libéré par la banquette arrière et par le siège avant droit … à condition que les objets à transporter puissent franchir les portes étroites. La vocation commerciale est abandonnée en 1952 au profit de la Juva4 fourgonnette produite à partir de 1938, laquelle est dés lors équipée du moteur de la 4CV. Peut-on qualifier cette Juva 4 de variant de la 4CV ou doit-on plus justement évoquer ici un variant de la Juva4 d'avant-guerre?

Vraisemblablement pour capitaliser sur les succès rencontrés en rallyes par le variant R1063, la «luxe» devient «sport» sans grand changement susceptible de justifier cette nouvelle dénomination. Les deux variants «sport» et «affaires» (mécaniquement identique au variant «sport») poursuivront seuls leurs carrières jusqu'en 1961.

 

A Paris, quelques dizaines de 4CV qui peuvent prétendre cumuler la prétention sportive et la résolution d'affaires sont spécialement reconfigurées en 1955 pour la police parisienne. Le surnom de pie leur est attribué à cause du panachage blanc et noir qui les distingue des 4CV civiles (lesquelles ne seront jamais proposées qu'en habillages mono colores).

La 4CV sera exportée ou fabriquée sous licence dans plusieurs pays dont le Japon. Contrairement aux variants que nous connaissons dans les années 2020, ces variants nationaux se différencieront peu des modèles de référence français si ce n'est pour tenir compte des réglementations locales.

 

En 1955 naît à Dieppe un variant de la 4CV important pour l'histoire de la marque: l'Alpine A106, petit coupé de rallye qui, dans sa première version dévoile sa parenté par ses roues à étoiles caractéristiques de la 4CV.

 

Doit-on dénommer variants les modèles qui suivront de 1956 (la Dauphine) jusqu'en 1971 (pour les R8 et R10)? La question reste ouverte car ces modèles perpétuent la formule tout à l'arrière. Par contre, la Renault 4 succédant à la 4CV en 1961 qui adopte le tout à l'avant et un habitacle de petit break 5 portes est un modèle original bien que conservant un bloc moteur issu de la 4CV. Si l'on devait lui chercher une filiation, ce serait plutôt vers la 2CV Citroën qu'il faudrait se tourner...  "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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