Aérotrain

2020  La réalité entrave la fiction

" Ayant écrit l'étape 2019 en avril de cette année-là, je vais exposer ici plus complètement les événements qui nous ont conduits aux premières déconvenues de SpaceTrain à partir de début 2020, ce à la lumière de ce que l'on sait fin 2022. La chronique de 2022 détaillera les événements qui ont ensuite débouché sur la déconfiture de novembre 2022.

 

Au printemps 2019, nous en étions restés à des interrogations (auxquelles la Direction de SpaceTrain ne m'avait pas apporté de réponses) et à la détermination de 3 élus qui avaient emporté un accueil positif du Préfet pour faire poursuivre des investigations par ses services et sous quelques conditions.

Florent Montillot avec à sa droite Cédric Villani et Emeuric Gleizes (photo Thomas Bernin)
Florent Montillot avec à sa droite Cédric Villani et Emeuric Gleizes (photo Thomas Bernin)

Florent Montillot, maire-adjoint d'Orléans et premier promoteur du projet se félicitait alors du franchissement de cette étape en des termes repris par le site local de France Bleu: «Il y a deux ans, les dirigeants de SpaceTrain sont venus me voir lors du lancement de leur projet. J'y ai cru dès le départ. C'est une chance exceptionnelle pour nous sur Orléans.», ajoutant «Depuis deux siècles, nous n'avons rien inventé d'autre que des voies ferrées, des voies ferrées et encore des voies ferrées» concluant «Ce projet n'est plus une utopie, il est bien réel» et en déduisant la recommandation suivante à la SNCF «Il en va de l'intérêt de la SNCF de prendre des participations dans SpaceTrain, faute de quoi elle prendrait le risque de voir la concurrence se saisir de ce projet». 

Version initiale du Space-Train sous tube sur le modèle de l'hyperloop (complétement remaniée en 2019)
Version initiale du Space-Train sous tube sur le modèle de l'hyperloop (complétement remaniée en 2019)

Constant dans son support à ce projet, il omet toutefois de mentionner que le projet SpaceTrain de 2019 n'est plus du tout celui qu'il défendait auprès du Conseil Régional dès mai 2018: c'était alors un projet sur le modèle de l'hyperloop avec un train évoluant alors dans un tube sous vide et non à l'air libre (cf. étape 2019), projet supporté aux États-Unis depuis 2013 par le milliardaire Elon Musk (et projet toujours au stade expérimental en 2019).

SpaceTrain 1ére version - Un nouveau projet d'aérotrain, L'antenne, 23 2 2018, texte et illustrations

 

Devant le Conseil Régional, le maire-adjoint et conseiller régional avait alors selon le journal local déjà fait sa part de sa vision novatrice au sujet des chemins de fer: «Le temps des traverses à changer, des aiguilles à changer est révolu. Il faut passer à autre chose». Il ajoutait même que, du fait de la désuétude de la ligne entraînant des coûts élevés de maintenance et des interruptions de service fréquentes, il pensait qu'«il ne sera jamais possible de mener à leur terme les travaux de maintenance des voies SNCF». De plus, il défendait le dossier en se basant sur les estimations de SpaceTrain qui évaluaient le coût d'une voie suspendue à 5 fois moins que celui d'une ligne TGV à l'installation comme à l'entretien.

Florent Montillot défend le projet Spacetrain, La République du Centre, 17 5 2018, texte et illustrations

 

L'article ne nous en disait pas plus ni quant aux arguments avancés ni quant à l'accueil reçu par cet audacieux plaidoyer. Pourtant :

  • A court et à moyen terme, les coûts de maintenance devaient continuer à être supportés voire amplifiés (la catastrophe de Brétigny sur Orge en 2013 l'avait dramatiquement démontré): cela n'invalidait-il pas une justification économique déjà faussée par la comparaison avec la coûteuse solution TGV hors de propos sur le seul trajet Paris-Orléans ?
  • À moyen terme, si SpaceTrain devenait opérationnel et dédié au seul trafic voyageurs, la solution du tube restait impraticable pour les marchandises (poids et encombrement des trains à deux niveaux transportant notamment les véhicules construits en Espagne). Cela impliquait soit un trajet à petite vitesse avec une ligne entretenue a minima (inconvénient potentiellement dissuasif pour les clients marchandises), soit un coût de maintenance au niveau normal. Cette autre objection avait-elle été formulée?
  • Si ces deux objections n'étaient pas levées avec des explications plausibles, le projet n'était-il viable économiquement qu'avec un financement privé entraînant des montants de billets voyageurs prohibitifs pour les navetteurs et interdisant de ce fait un scénario consistant à utiliser durablement des fonds publics considérables pour faire gagner du temps à de très riches voyageurs (mais Orléans n'ayant ni l'attrait économique et touristique de New York, ni le même «parc» d'ultra-riches, ... les investisseurs privés auraient intérêt dans ce cas à se montrer circonspects)?

Sans que rien ne nous le confirme, on peut supposer que ces interrogations et les réponses qui leur avaient été données avaient contribué à ramener le SpaceTrain à se rapprocher de la formule moins ambitieuse de l'aérotrain de Jean Bertin en tirant parti des techniques nouvelles. De plus, l'objectif de capacité d'accueil annoncé était passé de «20 à 40 passagers, voire jusqu'à 140» à 250 voyageurs.

Dessin
Seconde version de SpaceTrain (sans plus de tube)

 

Sur cette nouvelle base, Florent Montillot est rejoint par Marie-Agnès Linguet, maire de Fleury Les Aubrais et par Philippe Fournié, vice-président de la Région en charge des transports.

 

Ils fondent l'Association SpaceTrain.

Le projet orléanais SpaceTrain soutenu par une association d'élus, La République du Centre 21 12 2118, texte et illustration

 

Les trois élus ont pris rendez-vous début 2020 avec le Préfet pour le convaincre de mettre à disposition le rail de l'aérotrain pour de premiers essais grandeur nature qui pourraient avoir lieu en 2021.

 

D'autres arguments plus émotionnels et orléanais que rationnels sont avancés:

  •  Florent Montillot estime Orléans «dans le vent de l'histoire» en rappelant que la première ligne ferroviaire française en 1835 relia la ville à la gare d'Orsay au centre de Paris,
  •  cette initiative locale serait une revanche sur le choix fait en 1974 par le Président Giscard d'Estaing du TGV au détriment de l'aérotrain,
  •  la liaison «en à peine 15 minutes» constituerait aussi une revanche d'Orléans après l'abandon (le report?) annoncé en 2018 du projet de ligne à grande vitesse de Paris à Lyon par Orléans et Clermont-Ferrand,
  • de plus, il s'agirait de faire vite car «le Préfet du Limousin a signé en novembre un arrêté autorisant la construction d'un rail d'un kilomètre pour tester une version hyperloop, véritable concurrent de l'aérotrain orléanais».

Mais d'autres éléments sont-ils fournis au Préfet notamment quant à la démonstration du maintien de l'objectif d'«à peine 15 minutes» sans le tube sous vide et quant à la nouvelle justification économique résultant de l'abandon d'entretien de la ligne de chemin de fer sur laquelle était en partie fondée la première?

Toujours est-il qu'il formule le 20 février un avis favorable à l'utilisation du rail pour des essais sous réserve d'études complémentaires de ses services et de quelques conditions préalables à remplir par SpaceTrain.

Aérotrain: le Préfet du Loiret émet un avis positif pour le projet SpaceTrain, ICI France Bleu, 20 2 2019

 

Cédric Villani en visite à Cercottes
Cédric Villani en visite à Cercottes

Le 21 mars, le député Cédric Villani, convié à visiter le laboratoire SpaceTrain à Cercottes (11 kilomètres au nord d'Orléans, sur le parcours du rail), se montre d'une grande prudence, s'en tenant à une remarque générale: «je trouve réconfortant de voir qu'il y a encore des start-ups qui se lancent dans ce genre d'aventures avec beaucoup d'audace» et, quant au projet présenté,: «on a travaillé sur ce sujet à l'office parlementaire scientifique et c'est un projet dont on va suivre les progrès. La route est longue ...».

Cédric Villani était à Cercottes pour découvrir le SpaceTrain, La République du Centre, 21 3 2019, texte et illustration

Ce sera tout dans cette chronique pour les trois autres trimestres de 2019 car une recherche assez poussée réalisée fin novembre 2022 ne m'a permis de trouver aucune information sur l'avancement du projet (rien de plus en 2019 ou bien informations effacées depuis lors?).

 

On apprendra en février 2020 que deux plaintes avaient été déposées en novembre et en décembre aux Prud’hommes pour non versement de salaires, information dont le ministère des Finances (en charge des domaines et donc du rail) avait sans doute eu connaissance.  "

Un titre prémonitoire en janvier 2019 - Spacetrain, un projet qui ne manque pas d’air, MagCentre, 14 1 2019, texte et illustrations

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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