Roman national

1958 Histoires de France (2/2)

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La Restauration

Intermède royal qui voit la relance de la colonisation (l'essentiel des colonies antérieurement conquises au nom de la religion s'étant également effondré à l'époque napoléonienne). Cette relance décidée sous Louis-Philippe vise notamment l'Algérie.

 

Une planche représente la prise de la smala d’Abdelkader par le duc d'Aumale, lequel se trouve précisément être le fils du Roi. Les émissaires des colonisés s'inclinent respectueusement devant ceux qui sont censés leur apporter la «civilisation».

Je n'ai pas retenu (et, à le lire, Daniel Picouly non plus) que l'on nous aie parlé des événements qui ont précédé et notamment de la politique de la terre brûlée appliquée par le général Thomas Bugeaud.

 

De Napoléon III, rien ne nous est dit de son œuvre de modernisation de la France mais tout de sa déconfiture de 1870 avec une planche sur le siège de Paris et une autre sur l'évacuation des Alsaciens (des événements très récents lors des premières éditions du Lavisse et sur lesquels il s'agit de stimuler le patriotisme des jeunes Français en vue de redresser la situation ...).

 

Sur la planche consacrée à la «civilisation européenne» qui clôt ce chapitre, l'«expression de la France» trône au milieu et a droit au plus grand encart avec une représentation du port d'Alger quand l'industrie (en général) est confinée dans l'un des dix plus petits encarts.

 

Rien de plus sur la révolution industrielle (et ses incidences sociales) commencée au début du siècle qui prend son envol à sa fin et qui marque encore fortement les années 50 des enfants et de leurs parents (au sortir de la guerre, les secteurs agricole, industriel et tertiaire se partagent à peu près de manière équivalente les emplois).

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L'époque moderne

Pour rendre compte de la modernisation, une planche sur les transports terrestres (remontant loin en arrière jusqu'au fardier de Cugnot …) et l'autre sur la conquête des airs représentant Louis Blériot, lequel, au péril de sa vie, tente la traversée de la Manche. Culte du héros toujours: ce n'est pas Blériot constructeur d'avions (notamment) qui est distingué.

 

Concernant la guerre de 14-18, une planche montrant Foch et Clémenceau en visite dans une tranchée. Soldats en uniformes bleus et personnalités sont tous bien proprets et la campagne environnante ne semble pas vraiment hostile.

 

Les enfants pourront continuer à jouer à la guerre sans en mesurer les conséquences.

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Suzanne Citron, qui qualifie le roman national de «catéchisme d'une religion de la France» attribue à son enseignement d'autres responsabilités dans des événements du 20ème siècle:

  • Nourris du petit Lavisse ou de ses imitateurs, en juillet 1940, une majorité de Français, abasourdis par la défaite, se sont jetés dans les bras du Maréchal, chef de l'”Etat français”...”,

  • “... et l'on ne peut comprendre le drame de la guerre d'Algérie sans rappeler l'enseignement historique qui avait magnifié la conquête et vanté la “bonté de la France à l'égard des “indigènes”.

 

En 1959, la scolarité obligatoire sera portée de 14 à 16 ans, contribuant ainsi à un accroissement continu et conséquent du pourcentage d'enfants accédant aux enseignements secondaire et supérieur.

L'école obligatoire jusqu'à 16 ans, France Info, 2015, minutes 

Michel Vinock compare ainsi les 140 000 étudiants de 1950 aux 2 400 000 de 2020 ce qui, compte tenu de l'accroissement de la population constitue une évolution dans un rapport de l'ordre de 1 à 10.

La scolarisation secondaire aprè14 ans en 1962, fracturesscolaires,22 12 2020, texte et illustrations (graphe ci-dessous)

Histogramme
Une évolution considérable du taux de scolarité en 5 ans

Laurence De Cock précise que, de ce fait, l'enseignement de l'histoire à l'école primaire n'est plus conçu comme l'achèvement d'une scolarité mais comme une préparation, permettant l'évolution progressive de l'enchaînement événementiel des faits vers la thématisation. Mais, souligne t'elle aussi, cette évolution se heurte à de fortes réticences, citant notamment l'écrivain Paul Guth stigmatisant dans une «lettre aux futurs illettrés» un «génocide intellectuel» et un «lavage de cerveau».

 

De plus, elle note une certaine pusillanimité à affronter l'histoire récente: «Il faut attendre les années 80 pour qu'un véritable enseignement de l'extermination des Juifs distincte du processus plus général des déportations soit entrepris» (dans l'enseignement secondaire). 

 

 

Je terminerai sur une citation de Nicolas Offendstadt qui me semble bien exprimer la difficulté d'écrire l'histoire et l'illusion de n'écrire qu'une seule histoire à valeur universelle et immuable: «Les historiens sont des sujets inscrits dans une époque, dans un certain état des techniques, confrontés à des enjeux publics et politiques qui peuvent toucher à leurs croyances politiques et religieuses, à leurs expériences propres».   "

 

 

 

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Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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