Intelligence Artificielle

1997 Echec et automate

"    Jusqu’au 11 mai 1997, la question se posait de savoir si un système-expert pourrait surpasser l’homme. L’aider sans doute, l’égaler peut-être mais le surpasser dans un duel sans nulle intervention humaine … a fortiori s’il s’agissait du champion du monde des échecs opposé à un non-humain préparé par IBM … 

Garry Kasparov seul devant l'échiquier en février 1996
Garry Kasparov seul devant l'échiquier en février 1996

Un duel avait été organisé en février 1996 qui s’était soldé par la victoire de Garry Kasparov mais IBM voulait sa revanche, une revanche qui marquerait le grand public joueur et non-joueur, ce dernier étant le plus souvent conscient de la difficulté du jeu ne serait-ce qu’après avoir lu les règles ou pour s’y être essayé au moins une fois (je fais partie de ceux-là).

Photo de Deep Blue
Deep Blue : 1m80, à 2cm près la taille de Kasparov ... mais 1,4 tonne d'IA ...

En 1996, pour bien affirmer sa performance, IBM avait choisi d’appeler le super-ordinateur Deep Blue pour l’analogie avec le nom qu’on lui avait donné au temps de sa suprématie Big Blue (du fait de son logo composé de 3 lettres bleues). Le terme deep (en profondeur) avait peu d’importance car il n’était encore connu que des spécialistes de l’intelligence artificielle pour l’utilisation qui en était faite avec les réseaux neuronaux (deep learning). Du reste, le super-ordinateur spécialement conçu pour armer l’adversaire de Garry Kasparov n’utilisait pas une solution IA à base de réseaux neuronaux mais un super système-expert également spécialement conçu par IBM à partir de travaux engagés en 1985 dans de Grandes Écoles Américaines.

 

N’ayant rien appris par lui-même de son succès de 1996 (puisque ne disposant pas des fonctions d’apprentissage du deep learning), de nouveau de plusieurs grands maîtres des échecs avaient été mis à contribution par IBM pour le meilleur tirer parti de l’expérience acquise de cet échec et depuis lors (15 mois s’étaient écoulés) dans la mise au point la plus aboutie de son super système-expert d’échecs spécialisé sans neurones artificiels.

 

S’il ne savait pas améliorer son mode de recherche durant la partie, il savait en revanche actualiser l’état du jeu après chaque coup et simuler les meilleurs coups à jouer sur un plan stratégique afin de faire son choix.

 

 

C’est donc un adversaire préparé à tous les points de vues désormais surnommé Deeper Bluer que Garry Kasparov affronte à partir du 3 mai … lequel perd au terme de la sixième partie le 11 mai et, complètement dépité, quitte le théâtre de sa défaite presque en courant.

 

Comme l’exprime ChatGPT en 2023, “Il est important de souligner que la victoire de Deep Blue contre Garry Kasparov était le résultat d'un travail acharné, d'une programmation experte, d'une puissance de calcul élevée et de l'exploitation efficace des connaissances échiquéennes”. Oui, mais pas d'une capacité d'apprentissage en temps réel qu’aurait pu lui donner une solution IA à base de réseaux neuronaux, celle qui lui aurait permis de lui apporter des améliorations durant le cours-même des parties.

 

Les solutions IA à base de réseaux de neurones artificiels ont cependant continué à s'améliorer depuis 1985 mais, pour s'étendre vraiment au détriment des systèmes-experts, il leur manque encore un carburant essentiel, les données, celui que va leur apporter internet. En effet, comme le souligne Pascal Boniface, dans les années 90, 0,3% de la population mondiale a accès à internet tandis que ce score grimpera rapidement jusqu'à 60% en 2020.  

Cette croissance est due en bonne part au développement en cours dans les années qui viennent de s'écouler, grâce à l’IA, de moteurs de recherche facilitant l’accès au plus grand nombre.

Progression du nombre de sites dans le monde à partir de 1991, Statista, 6 8 2021, texte et illustration ci-dessous

Progression de quasi 0 en 2000 à 2 Milliards de sites en 2020
Un véritable démarrage avec le nouveau millénaire

Mais ceci est une autre histoire qui se poursuivra avec les étapes décisives du dialogue homme-machine au 21ème siècle, celles qui nous ont permis de bénéficier à ce jour d’une solution d'IA dite générative certes encore imparfaite mais déjà plus que prometteuse.   "

Pour écrire l'étape 1997 de cette chronique, j'ai compulsé notamment les ouvrages suivants :

L’IA ou l’enjeu du siècle, Etic Sadin, Editions L’échappée 2018

Des intelligences très artificielles, Jean-Louis Dessales, Odile Jacob 2019

Géopolitique de l’intelligence artificielle, Pascal Boniface, Eyrolles 2021

 

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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