Chasse

1954 Chasse regardée

Page du catalogue Manufrance : fusils Robust et Simplex

" Il serait erroné de déduire du titre de cette étape que mes parents m'accompagnaient dans des battues sur nos lieux de vacances en Basse Normandie.

 

L'image que je me faisais de la chasse était essentiellement livresque, basée sur les illustrations - puis sur des articles quand je sus lire - de la revue Le Chasseur Français auquel mon père était abonné mais également de l'encart publicitaire de la Manufacture des Armes et Cycles de Saint-Étienne, Manufrance, éditrice de la revue depuis 1885, encart dans lequel les fusils Robust côtoyaient les bicyclettes Hirondelle.

Encart publicitaire : "on tue plus avec les fusils Manufrance"

 Le souvenir que j'en garde est contrasté.

 

Au titre d'une chasse faisant partie des activités des adultes, l'image serait plutôt positive: un cadre champêtre, campagnard évoquant les vacances.

La consultation de la revue constituait pour moi une source d'évasion dans un décor plus paisible que celui de la capitale.

 

Bourgeois en belles tenues pour une chasse en Sologne en 1955, 1minute 10, film amateur muet sur le site Ciclic

 

Au passif de cette perception de la chasse, il y avait les fusils dont la publicité ne faisait pas mystère de la fonction («on tue plus avec les fusils Manufrance») et surtout les pièges effrayants qui, dans le meilleur des cas, cadenassaient et confinaient dans un espace minuscule et pour une durée indéterminée les animaux surpris dans leur liberté d'exploration et, bien pire, les immobilisaient dans des mâchoires de fer.

Couverture Chasseur Français : un chasseur avec deux chiens en forêt

 

A l'inspiration gentillette et placide des articles du corps de la revue s'opposait la redoutable artillerie cynégétique de son encart publicitaire.

 

Mes parents, clients fidèles de la Manufacture des Armes et Cycles, détenaient aussi le catalogue de la firme (qui s'intitulait tarif-album) dans lequel figurait l'arsenal intégral au sein duquel le chasseur pouvait choisir sa panoplie.

 

La Manufacture commercialisait bien d'autres choses que des armes mais celles-ci demeuraient son «cœur de métier» comme l'on dit aujourd'hui. Ainsi dans son grand et majestueux magasin parisien (il y avait de tels points de vente dans toutes les grandes villes) au 42 de la rue du Louvre, un ours brun empaillé accueillait les clients dès le hall d'entrée.

 

Autre réminiscence liée à la chasse: à la ferme familiale du Boulay dans le Perche, le chef d'exploitation pratique à temps perdu (il en a peu compte tenu de la diversité de ses tâches) la chasse-cueillette, une chasse pratiquée à l'occasion et sans trop de considération des limites des propriétés.

 

Je ne le sais pas de visu mais par les propos qu'il tient. Ainsi se désole t'il en observant le versant opposé d'un champ qu'il cultive: «Là-bas, avant cette maudite myxomatose, les lapins s'égayaient en nombre et maintenant, ce gibier a complètement disparu» (je ne garantis pas l'authenticité du vocabulaire, seulement le sens).

Lapin atteint de myxomatose

De fait, le Chasseur Français témoigne de ce désastre qui transforme les rongeurs bondissants en pitoyables loques larmoyantes et en explique la cause: pour endiguer la trop grande fécondité des lapins source de dégâts dans les cultures, un bactériologiste avait inoculé un virus meurtrier, le myxome de Sanarelli, à trois lapins dans le parc du château de Millebois en Eure et Loir.

 

C'était oublier la caractéristique du lapinisme que le scientifique voulait justement endiguer: l'épidémie se propagea rapidement bien au-delà des limites du parc, puis du département.

 

Le Chasseur Français de juillet 1953 rapportait: «Actuellement, on ne voit pas de moyen d'arrêter le progrès de la contagion chez les lapins sauvages».

 

 

Cet épisode constituait une illustration d'un problème récurrent dont nous verrons ultérieurement une autre illustration: celui de la nécessaire régulation des espèces et du possible rôle de la chasse dans ce cadre. "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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